v La Catalogne et puis l'Écosse: démocratie régionale et européenne
Namur, le 10 mai 2021.
Dreamstime Miriam Doerr
L'Union Européenne peut être comparée à un ensemble articulé, composé bien sûr de citoyens, eux-mêmes rattachés à un État membre et à une Région bien déterminés. Il peut arriver que l'une ou l'autre pièce (Région) souhaite bien entendu se maintenir dans l'ensemble européen, mais aussi en relever directement sans plus faire partie d'un État membre existant. De telles intentions, clairement indépendantistes, ont été par exemple émises par les autorités de Catalogne et d'Écosse.
Jusqu'à présent, il semble que les institutions européennes ne se soient pas montrées favorables à l'idée de régions se séparant de leur État, mais non de l'Union. Ainsi, lorsqu'il était Président du Conseil Européen, Herman VAN ROMPUY avait déclaré en décembre 2013 à Madrid, aux côtés du Premier Ministre espagnol Mariano RAJOY, qu'en cas de séparation de l'Espagne, la Catalogne, comme "nouvel État indépendant", sortirait de fait de l'Union Européenne et devrait introduire une demande d'adhésion (de quoi décourager toute autorité publique normalement constituée quand on voit la longueur et l'ampleur de ces procédures...).
Ceci était d'autant plus surprenant qu'avec 16 % de la population espagnole, la Catalogne représente 20 % du PIB du pays et 30 % de ses exportations. À l'époque, le Député européen Mark DEMESMAEKER (NVA) avait considéré que les propos du Président du Conseil Européen représentaient "un point de vue politiquement inspiré et sans fondement légal" (1).
En fait, je dois bien reconnaître que la déclaration présidentielle m'avait troublé à l'époque tant elle méconnaissait la réalité d'une communauté humaine juridiquement (depuis 1986) et affectivement européenne et sa capacité à disposer d'elle-même par référendum de séparation (d'avec l'Espagne) et de maintien (dans l'Europe).
Le dossier catalan peut servir d'avertissement et de prise d'expériences à l'Écosse, dont la situation présente un acquis incontestable: dans le référendum du 23 juin 2016 sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union Européenne, la population écossaise s'est prononcée à 62 % pour le "remain", ce qui revient à dire que l'Écosse a été détachée contre son gré de l'Union Européenne. On peut considérer que cette situation induirait, sur base de cette orientation européenne majeure, un résultat plus net en faveur du yes que celui du précédent référendum sur l'indépendance de l'Écosse, du 18 septembre 2014 ("Do you agree that Scotland should be an independent country?"), qui s'était traduit par 44,7 % de oui et 55,3 % de non. Les toutes récentes élections législatives écossaises (6 mai 2021) ont donné la majorité des sièges du Parlement écossais aux partisans de l'indépendance: sur un total de 129 sièges, 64 reviennent au SNP (Scottish National Party - à un siège près de la majorité absolue) et 8 aux Verts écossais, soit 72 sièges au total.
Sur cette base, on peut évidemment comprendre que la Première Ministre Nicola STURGEON ait immédiatement demandé la tenue d'un second référendum sur l'indépendance de l'Écosse, même si elle l'a situé dans l'après-Covid, vraisemblablement en 2023 (2). On peut aussi estimer qu'il serait malvenu de la part des hautes autorités de l'Union Européenne, en cas de victoire du oui, de considérer l'Écosse avec dédain ou condescendance, voire "procédurisme". Être européen et vouloir le rester ne peut être dans ce cas un handicap, a fortiori quand, pour 8,3 % de la population du Royaume-Uni, on représente un peu moins de 10 % de son PIB (soit un PIB/ habitant en Écosse de 29.068 € contre 26.198 € au Royaume - Uni).
Vue de Wallonie, l'Europe des Régions constitue une réalité et une opportunité significatives: le fait régional européen et son impact sur les citoyens sont renforcés par la coopération et les échanges entre Régions ainsi que par leurs positions vis-à-vis de l'Union Européenne. La Wallonie s'est depuis longtemps bien investie dans les processus de coopération interrégionale et dans le renforcement de la dimension européenne. Ses valeurs de dignité humaine et de démocratie devraient l'amener à considérer positivement une telle consultation référendaire et la concrétisation de ses résultats, notamment au niveau européen.
__________________________________
(1) La Libre Belgique, 13 décembre 2013.
(2) L'indépendance, grand enjeu du scrutin écossais, Le Monde, 17 avril 2021; Les indépendantistes écossais attendent leur heure, L'ECHO, 30 avril 2021; Les nationalistes à l'affût, Le Vif, 6 mai 2021; "Boris Johnson est le meilleur cadeau imaginable pour le Parti national écossais", La Libre Belgique, 6 mai 2021; Trop ou pas assez indépendantiste, La Libre Belgique, 7 mai 2021; Élections au Royaume-Uni: la bataille entre Sturgeon et Johnson peut commencer, Le Soir, 8 mai 2021; Hoe kan Johnson zijn koninkrijk redden?, De Standaard, 10 mai 2021; L'Écosse se dirige vers un second référendum, La Libre Belgique, 10 mai. En dehors du dossier écossais, la complication organisationnelle du Royaume-Uni est illustrée par l'article "Londres ne peut obliger Jersey à respecter l'accord sur la pêche passé avec l'UE", La Libre Belgique, 7 mai 2021.
> Partagez cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr