Hommage à Yves de Wasseige
Auvelais, 13/05/1925, Charleroi, 02/08/2021
Yves de Wasseige (s.d.) – Coll. privée
© Institut Destrée – Droits Sofam
C’est un acteur important de l’histoire récente de la Wallonie qui s’en est allé ce 2 août 2021. Militant de nombreuses causes humanistes et démocratiques, Yves de Wasseige était une personnalité lucide et résolue, conviviale et cordiale, dont la réflexion, la détermination et l’engagement personnel étaient appréciés dans tous les milieux qu’il fréquentait ou qui sollicitaient son expertise.
Celui qui fêta ses 20 ans en 1945 s’était engagé comme volontaire dans les Brigades d’Irlande de l’armée belge (1944-1945). À l’Université catholique de Louvain, il devient ingénieur civil des mines (1950), poursuit avec une licence en Sciences économiques (1951), avant de se lancer dans la vie professionnelle : ingénieur aux Aciéries et Minières de la Sambre (1951-1954), il est ensuite chargé de recherche au Centre d’Études sociales de l’Université catholique de Louvain (1955-1957), ingénieur chez Unichar qui deviendra Uniex (1957-1958), puis ingénieur en chef à Hainaut-Sambre (1958-1975). À l’heure où l’Europe se reconstruit et tente de retrouver la paix en associant les rivaux d’hier autour d’un projet commun dont l’acier est le moteur économique, l’ingénieur mesure l’ampleur des défis qui concernent le bassin industriel wallon.
Militant du Mouvement ouvrier chrétien, responsable de Rénovation wallonne et du Mouvement populaire wallon dans les années 1960, celui qui est professeur à la FOPES est un membre actif du Groupe de réflexion Bastin-Yerna (1968) et membre-fondateur de Rénovation pour l’Union des Progressistes (1970). Attiré par la politique, il contribue à la création du Parti wallon de Robert Moreau en 1964, mais ce n’est qu’en 1975 qu’il fait le choix de quitter l’industrie pour la politique dans le but déclaré d’œuvrer en faveur de la Wallonie; appelé comme technicien dans le domaine des entreprises et de la sidérurgie, il est nommé chef de Cabinet du ministre des Affaires économiques André Oleffe puis, à la mort du ministre, chez son remplaçant, Fernand Herman (1975-1976). Le changement de politique qui s’opère alors ne lui convient pas et il démissionne. Il sera nommé ingénieur délégué général au Commissariat de l’Énergie atomique, autre domaine dans lequel il est reconnu comme un spécialiste (1977-1979).
Au moment de la crise de la sidérurgie wallonne (fin des année 1970), alors qu’un rapport McKinsey propose des mesures radicales et que, dans les milieux flamands, commence à courir l’idée que la sidérurgie wallonne coûte trop cher et ne mérite plus un franc flamand, il est l’auteur d’un solide plan de reconversion qui vise à mettre en place une seule entité wallonne de sidérurgie et à briser la logique concurrentielle des bassins (1978). En décembre 1976, quand le Rassemblement wallon implose, il rejoint l’aile gauche progressiste menée par P-H. Gendebien; en décembre 1978, pour la première fois, il se présente comme candidat aux élections. Désigné sénateur provincial de Namur par le Rassemblement wallon (1979-1981), il participe aux débats précédant l’adoption des lois d’août 1980 qui créent les institutions politiques wallonnes définitives. Son parti n’a pas été associé aux discussions et, comme élu de l’opposition, il vote contre des mesures qu’il estime nettement insuffisantes. Dès le 15 octobre 1980, il siège néanmoins au sein du nouveau Conseil régional wallon, où il est choisi comme chef de groupe du RW (1980-1981). De 1980 à 1983, il est également le représentant du Rassemblement wallon au Conseil économique régional de Wallonie.
Co-fondateur du Rassemblement populaire wallon (1981), Yves de Wasseige n’entend pas participer à la politique de rapprochement avec le FDF menée par Henri Mordant. Il refuse une stratégie Wallonie-Bruxelles qui conduit à la fusion et qui tend à privilégier la Communauté française et à nier la Wallonie. Il se rapproche du PS présidé par Guy Spitaels, et dont le programme exige un fédéralisme radical. Il est désigné sénateur provincial de Liège (1981-1985). Président du RPW (1982-1984), il a adhéré au PS en 1984 et est l’un des membres fondateurs de Wallonie Région d’Europe en 1986. Quand il est coopté au Sénat, entre 1985 et 1991, il ne peut plus siéger au Parlement de Namur, mais il continue à mener combat en faveur d’une large autonomie de la Wallonie dans la liberté économique, qui lui permette de mener une politique de reconversion industrielle, de redéploiement économique, et surtout de plein emploi. Très critique à l’égard du résultat des négociations conduisant à la formation du gouvernement Martens VIII (mai 1988), il s’abstient lors du vote de confiance au Sénat et prononce un discours qui dénonce ce qu’il considère comme l’abandon de la cause fouronnaise. Néanmoins, le sénateur contribue à l’adoption d’une nouvelle étape dans la réforme de l’État, les entités fédérées obtenant un large accroissement de compétences et une augmentation des budgets, alors que voit le jour la Région de Bruxelles-Capitale.
Défenseur indiscutable de la Wallonie, il s’avère également un spécialiste écouté dans de nombreux autres domaines. Au-delà de son plan de reconversion de la sidérurgie wallonne, il participe notamment à l’élaboration des trois rapports de la Commission d’enquête, créée un mois après la catastrophe de Tchernobyl (1986-1990) : l’expert-rapporteur proposera plusieurs mesures, comme la création d’une Agence pour la sécurité en matière nucléaire, l’élaboration d’un plan national d’urgence nucléaire ou la distribution de tablettes d’iodure de potassium. Il est encore rapporteur de la commission sénatoriale qui met au point le projet de loi fiscale et d’harmonisation avec l’Europe en construction (1989-1990).
Nommé juge à la Cour constitutionnelle (groupe linguistique français), Yves de Wasseige y siège du 26 juillet 1992 au 14 décembre 1994. Considérant le cadre de cette Cour trop contraignant, il en démissionne. Durant cette période, il a continué de signer des articles dans Le Journal de Charleroi et dans Le Peuple, sous le pseudonyme de Martin, et dans République, sous celui de Necker. Chacun reconnaît là la plume de l’économiste qui, tout au long de sa carrière, fera évoluer Les mécanismes de l’économie moderne, un manuel apprécié par tous ceux qui souhaitent s’initier à ce domaine. L’économie au service des gens, qu’il signe avec Francis De Walque dans la collection "L’autre économie", indique à suffisance ses préférences idéologiques. Président du Comité subrégional de l’emploi et de la formation de Charleroi (1989-1997), il réalise une étude en 1994 dans laquelle il trace les grandes lignes de l’organisation de la semaine de travail de quatre jours.
Administrateur de la Fondation Bologne et de l’Institut Jules-Destrée (1990-2008) dont il est administrateur honoraire, secrétaire de l’asbl "Mémoire du Bois du Cazier" (1993), Yves de Wasseige fait autorité par les nombreuses analyses politiques et économiques qu’il continue de publier et de partager dans les nombreux milieux associatifs, culturels, politiques et sociaux qu’il fréquente avec assiduité. Conférencier, auteur d’articles et monographies dans la revue Esprit, au CRISP, dans la revue Toudi, dans les Cahiers marxistes, etc., il avait publié en 2012 une biographie dont le titre, En cours de route, illustre la continuité d’une action, sans cesse repensée et toujours en mouvement.
Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010, p. 196-197.
- sénateur provincial de Namur (1979-1981)
- membre du Conseil régional wallon (1980-1981)
- chef de groupe au CRW (1980-1981)
- sénateur provincial de Liège (1981-1985)
- sénateur coopté (1985-1991).
Partagez cette notice avec vos réseaux :
@InstitutDestree
@InstitutDestree
www.linkedin.com/company/destree-institute/
Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr