Jean-Maurice Dehousse
Liège le 11 octobre 1936, Liège le 8 février 2023
Évoquer le nom de Jean-Maurice Dehousse c’est retracer près d’un demi-siècle d’histoire des institutions politiques wallonnes. Fils du constitutionnaliste Fernand Dehousse (1906-1976) et de la philologue Rita Lejeune (1906-2009), il acquiert, dès son plus jeune âge, une sensibilité wallonne et fédéraliste, ainsi qu’une conscience de la dimension historique de l’action politique qui l’accompagneront durant toute son existence. Avec lui disparaît le premier ministre-président d’un Gouvernement de Wallonie, désigné dans le processus de mise en place de la régionalisation définitive.
Docteur en Droit de l’Université de Liège (1960), porteur d’une licence spécialisée de l’École des Hautes Études internationales de l’Université américaine John Hopkins (1961), diplômé des Hautes Études fédéralistes au Collège universitaire d’Aoste (1963-1964), aspirant FNRS (1962-1965), le jeune Dehousse milite activement au sein des milieux socialistes et wallons. Malgré les tensions qui existent entre ces mouvances, il est actif au sein du Mouvement populaire wallon créé par André Renard (1961), au sein du PSB et au sein de la FGTB.
Assistant à l’Institut d’Études juridiques européennes de l’Université de Liège (1966-1971), professeur à l’École supérieure de Traduction et Interprétation à Bruxelles (1965-1971), délégué syndical FGTB pour le personnel scientifique de l’Université de Liège, il est affecté aux Services de Programmation de la Politique scientifique (décembre 1969), avant d’être détaché au Cabinet du ministre des Relations communautaires Freddy Terwagne. Il y exerce d’abord la fonction de chef de Cabinet adjoint (1970) puis de chef de Cabinet lorsque Fernand Dehousse remplace Freddy Terwagne, décédé subitement (1971).
En 1971 c’est André Cools qui le sollicite pour se porter candidat au scrutin législatif dans l’arrondissement de Liège. Quand il fait son entrée à la Chambre des Représentants, il a comme objectif principal la fédéralisation de l’État belge et l’émergence d’une Wallonie autonome. Mesurant les avancées du projet de loi de régionalisation provisoire déposé par François Perin et Robert Vandekerckhove (1974), il plaide en faveur d’un rapprochement entre le Rassemblement wallon et le PSB, et soutient le plan de régionalisation définitive conclu entre le PSB-BSP d’une part, la FGTB de l’autre (1976).
Ministre de la Culture française dans le gouvernement Tindemans IV, puis Vanden Boeynants (3 juin 1977-18 décembre 1978), il fait partie du Comité ministériel des Affaires wallonnes présidé par Guy Mathot. C’est à cette époque que sont signés les accords Dehousse-Persoons qui établissent des critères solides de répartition budgétaire entre Wallons et Bruxellois francophones dans les matières communautaires.
Dans l’entourage d’André Cools, il prend part aux longues et incessantes négociations institutionnelles. Dans le gouvernement Martens I qui se met en place en avril 1979, Jean-Maurice Dehousse est désigné au poste de ministre de la Région wallonne et est chargé de la présidence du premier Exécutif de la Région wallonne qui, à ce moment, continue de faire partie du gouvernement national (1979-1981), tout en étant en charge de l’Énergie, de la Fonction publique, du Budget et de la Tutelle des communes pour le territoire wallon. Quand la régionalisation définitive est enfin adoptée (lois d’août 1980) et mise en œuvre, le député liégeois peut siéger au Conseil régional wallon (15 octobre 1980) et participer ainsi à la naissance du pouvoir législatif wallon. C’est au contrôle de cette assemblée que le ministre-président wallon soumet la politique de son gouvernement.
Lors du scrutin du 8 novembre 1981, J-M. Dehousse quitte la Chambre des représentants pour le Sénat où il est un élu direct. Conformément aux accords conclus entre les partis traditionnels, le nouvel Exécutif régional wallon est formé à la proportionnelle et la présidence n’en est attribuée à J-M. Dehousse qu’à partir d’octobre 1982, exerçant depuis décembre 1981 les compétences de l’Économie régionale et de l’Emploi. La mise en place d’un nouveau niveau de pouvoir et de son administration est la priorité de son gouvernement. En 1983, le choix de Namur comme capitale est entériné, avec des dispositions de décentralisations vers les grandes villes wallonnes.
Après le scrutin législatif d’octobre 1985, J-M. Dehousse s’oppose à toute forme de fusion de la Région wallonne au sein de la Communauté ; dès lors, il ne peut y avoir d’accord avec le PRL et le PSC et la formule d’un exécutif wallon à la proportionnelle a fait son temps. Depuis les bancs de l’opposition, le sénateur prépare activement son retour, la crise fouronnaise lui procurant une occasion supplémentaire de réclamer de nouvelles avancées dans la réforme de l’État. Le succès électoral du PS, en 1987, laisse présager de grands espoirs que l’accord péniblement négocié durant cent jours au niveau national ne comble pas. La tension atteint des sommets au sein du PS lorsque J-M. Dehousse, mécontent du projet d'accord sur la loi de financement, l'index ainsi que sur les Fourons, quitte la table de négociation et se positionne contre la participation du PS au gouvernement national. La communautarisation de l’enseignement, la régionalisation de nouvelles compétences et la reconnaissance de Bruxelles comme Région-Capitale sont néanmoins votées. Une rupture brutale s'est opérée entre différences tendances du Parti socialiste. Considéré comme rebelle tant par Guy Spitaels que par André Cools, Jean-Maurice Dehousse est persona non grata dans les exécutifs mis en place et en conflit ouvert au Conseil communal de Liège.
Candidat à la succession d’Edouard Close, J-M. Dehousse est privé de la mairie liégeoise par Henri Schlitz (janvier 1991), à l’heure où les socialistes wallons se réunissent en congrès à Ans. Dès 1989, il avait vu dans la « cogestion de la Communauté par les deux régions » la solution à suivre : à la Communauté, les compétences qui se plient mal à la discussion régionale (enseignement supérieur, recherche scientifique, RTBF), à la Région tout le reste. Si un consensus intervient entre socialistes wallons à Ans, il est loin d’en être de même à Liège.
Les disputes sont permanentes en Cité ardente et l’assassinat d’André Cools (18 juillet 1991), après avoir provoqué stupeur et consternation, n’apaise pas les rivalités. Ce sont les électeurs qui assurent à Jean-Maurice Dehousse la légitimité de son positionnement. Le scrutin de 1991 se transforme en un triomphe personnel, dont bénéficie l’ensemble du PS. Si la présidence du gouvernement wallon lui est interdite par l’auto-désignation de Guy Spitaels, J-M. Dehousse est désigné ministre fédéral de la Politique scientifique (8 mars 1992-24 décembre 1994) dans le gouvernement de Jean-Luc Dehaene qui doit s’atteler à la phase suivante de la réforme de l’État. En charge des Institutions culturelles et scientifiques nationales (Institut d'Aéronomie spatiale, Monnaie, Beaux-Arts, etc.), le ministre n’abandonne ni sa ville ni la Wallonie. Lors de la réforme constitutionnelle de 1993, dont il est l'artisan principal du côté wallon, il exerce les fonctions de ministre des Relations institutionnelles (F) de concert avec son collègue flamand Willy Tobback. Comme député, J-M. Dehousse vote les dispositions issues des accords dits de la Saint-Michel et de la Saint-Quentin (1992-1993). La Belgique devient officiellement fédérale et la primauté est accordée aux Régions.
Élu administrateur de l’Institut Destrée (décembre 1991), membre actif de Wallonie Région d’Europe, nommé président de l’asbl Le Grand Liège (mars 1992), le conseiller communal liégeois brigue le maïorat de la Cité Ardente en octobre 1994. La coalition PS (18)-PSC (12) est reconduite et J-M. Dehousse abandonne son portefeuille ministériel pour se consacrer exclusivement à ses nouvelles fonctions maïorales. Il ne renonce pas à son mandat de député et ne résiste pas à l’idée d’être élu directement au Parlement wallon le 21 mai 1995. Il ne manque pas ce rendez-vous historique, obtenant la confiance de l’arrondissement de Liège (et d’un socialiste sur quatre) pour figurer parmi les 75 premiers députés élus directement au Parlement wallon. L’acte est éminemment symbolique. Après avoir participé à la séance inaugurale du Parlement wallon qu’il avait tant souhaité, le bourgmestre de Liège renonce au mandat de député wallon dès juillet pour se consacrer exclusivement à la Cité ardente.
Cependant, un désenchantement s'installe entre Liège et son maïeur et, en 1999, Jean-Maurice Dehousse, premier suppléant au Parlement européen choisit de démissionner de ses fonctions de bourgmestre de la ville de Liège et d’opter pour l’hémicycle européen où un siège est devenu vacant (1999-2004). Dans le même temps, il pose sa candidature à la présidence du PS, avec un programme qu’il veut résolument de gauche. C'est son ancien collaborateur Elio Di Rupo qui remporte la première élection du président du PS au suffrage universel des membres.
Eurodéputé, J-M. Dehousse est amené à travailler à la préparation de textes fondamentaux pour la consolidation de la construction européenne. Partisan d’une Charte européenne, il déplore l’absence « d’Europe sociale » dans le texte de la Constitution européenne qui est soumise à ratification et mène résolument bataille contre son adoption. Après cinq années de travail parlementaire tant à Bruxelles qu’à Strasbourg, Jean-Maurice Dehousse n’est plus candidat aux élections européennes du 13 juin 2004. Candidat aux élections communales du 8 octobre 2006, il n’est pas réélu et quitte le Conseil communal liégeois au terme de 30 années d’activité municipale.
Paul Delforge
Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010.
Repères chronologiques de la carrière de Jean-Maurice Dehousse :
- député (1971-1981)
- conseiller communal de Liège (1977-2006)
- ministre de la Culture française (1977-1978)
- membre du Comité ministériel des Affaires wallonnes (1977-1978)
- ministre de la Région wallonne (1979-1981)
- président des cinq Exécutifs régionaux wallons au sein des gouvernements Martens et Eyskens (1979-1981)
- membre du Conseil régional wallon (1980-1981)
- sénateur (1981-1991)
- membre du Conseil régional wallon (1981-1991)
- ministre de l’Exécutif régional wallon (1981-1985)
- ministre-président de l’Exécutif régional wallon (1982-1985)
- député (1992-1995)
- membre du Parlement wallon (1992-1995)
- ministre fédéral (1992-1994)
- bourgmestre de Liège (1995-1999)
- député wallon (1995)
- député européen (1999-2004).
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