Jean-Marie Duvosquel

 

Ploegsteert, 29 janvier 1946 - Auderghem, 18 novembre 2023

Jean-Marie Duvosquel (c) Institut Destrée

Successeur de l’abbé Jules Mahieu (1938-1946), de Maurice Bologne (1960-1975), de Jacques Hoyaux (1975-1985) et de Jean-Pol Demacq (1985-2002), Jean-Marie Duvosquel a été le cinquième président de l’Institut Destrée de 2002 à 2008, avant que ne lui succèdent Jacques Brassinne (2008-2014), Philippe Suinen (2014-2022) et Philippe Destatte (2022-).

 

"La région de Comines-Warneton appartient à la romanité". Cette affirmation par laquelle commence la notice qu’il consacre à la Ligue wallonne de Comines dans le tome II de l’Encyclopédie du Mouvement wallon, l’historien Jean-Marie Duvosquel en veut pour preuves "les sources écrites médiévales les plus anciennes (début du XIIIe siècle) et son patois picard encore bien vivant aujourd’hui. À deux reprises au cours de l’Histoire cependant, ces deux petites villes du comté de Flandre, coupées en deux par la Lys et situées à mi-chemin entre Lille et Ypres, ont failli être flamandisées". 

Et c’est forcément par un rapide rappel du statut le plus ancien de ces deux communes que le médiéviste poursuit sa relation des circonstances qui conduisent leurs populations à se revendiquer de langue française, voire à créer une Ligue anti-flamingante d’abord, une Ligue wallonne de Comines ensuite, dans les années 1920. Aimant à rappeler que Ploegsteert était son lieu de naissance, le hameau de Bizet plus exactement sur la commune actuelle de… Comines-Warneton, à quelques mètres d’Armentières la Française, l’historien traitait des revendications de cette Ligue wallonne sans se départir de la rigueur historique qui faisait déjà sa réputation.

 

Chef du département culturel du Crédit communal de Belgique de 1984 à 1997, puis Conseiller Culturel chez Dexia (1997-2001), celui dont le père était agent de police à Comines y avait fait ses études à l’Athénée, et avait reçu la médaille du gouvernement à l’issue de brillantes humanités gréco-latines (1964). Déjà il était particulièrement attiré par l’histoire, en particulier par tout ce qui a trait au passé de sa terre natale. L’adolescent fréquentait régulièrement les archives municipales de Comines-France, celles de Lille comme celle d’Ypres. Membre du Comité local d’éducation ouvrière, il avait organisé en 1964 une exposition sur Philippe de Commynes dans la salle de la "Maison Textile", siège des organisations socialistes de Comines. Il avait 18 ans et adhérait au Parti Socialiste belge, section de Comines. Il restera fidèle à sa formation politique, tant à Berchem-Sainte-Agathe qu’à Saint-Hubert, cité d’où provient son épouse et où il aura sa maison familiale.

 

Désireux de devenir archiviste, le jeune homme déjà attaché à la laïcité opte pour l’Université libre de Bruxelles pour se former au métier d’historien. Là, sensible aux Walen Buiten de Louvain, il participe à la création du Club Jules Destrée (1967), avec Philippe Moureaux et Hervé Hasquin, aux options résolument fédéralistes, libre-exaministes et favorables au dédoublement de l’Université libre de Bruxelles. Dans le même temps, il achève son mémoire sur L’Abbaye de Maroilles en Hainaut, de l’époque mérovingienne au XIe siècle qui lui ouvre les portes du FNRS. Aspirant de 1969 à 1973, il reste plongé dans le Moyen Âge avec sa thèse sur Le temporel des évêques de Cambrai, tout en continuant des recherches et des publications sur le passé de Comines, Warneton et sa région. En 1973, il s’oriente vers le Crédit communal de Belgique, où il décroche le poste d’attaché au centre culturel Pro Civitate. Il y fera toute sa carrière, tout en siégeant au Comité d’Histoire Pro Civitate dont il sera le président de 2003 à 2009.

 

Les expositions à mettre à l’actif de Jean-Marie Duvosquel sont innombrables. Des dizaines de publications de grande qualité et des collections comme Musea Nostra (45 volumes parus de 1987 à 1996) témoignent de l’apport d’une grande banque au développement culturel, sous la conduite d’un historien de qualité. Le Bulletin trimestriel du Crédit communal devient un périodique de référence scientifique. Outre l’impressionnante bibliothèque constituée avec les deniers de la banque (et aujourd’hui hébergée par l’Académie de Belgique), les sources cartographiques et iconographiques, comme les célèbres Albums de Croÿ (27 volumes parus de 1985 à 1996) sont autant de publications majeures d’une période heureuse de la recherche historique en Belgique. Entre 1980 et 1981, Jean-Marie Duvosquel a aussi coordonné le nouveau Dictionnaire des communes de Belgique (4 vol.) avec Hervé Hasquin et Raymond van Uytven.

 

Conseiller du Recteur et professeur à l’Université libre de Bruxelles (histoire du paysage, sources archivistiques de l’histoire médiévale, principes généraux de gestion culturelle), membre de l’Académie royale, secrétaire de la Commission de la Biographie nationale, membre de l’Académie royale d’Archéologie, président de la Commission royale d’Histoire, vice-président du Comité national belge des sciences historiques, directeur de la Revue belge de Philologie et d’Histoire, président du Comité scientifique mis en place par la Province de Liège pour préparer la modernisation du Musée de la Vie wallonne dans le cadre d’un important projet Feder, Jean-Marie Duvosquel est resté fidèle à Comines, à Saint-Hubert et à la Wallonie. "La vigilance reste d’autant plus de mise que, à la différence de ce qui se passe pour Mouscron dont le statut n’est plus actuellement mis en question, la volonté flamande de voir retourner la région de Comines-Warneton en Flandre est toujours vivace chez certains", écrivait l’historien à la fin de sa notice sur la Ligue wallonne de Comines.

 

Collaborateur du projet d’Encyclopédie du Mouvement wallon, Jean-Marie Duvosquel avait rejoint l’Institut Destrée en 1993 en tant qu’administrateur. En 2002, il était nommé à sa présidence et, pendant ses deux mandats de trois ans, il a poursuivi l’action de l’Institut Destrée comme centre de recherche scientifique indépendant au service de la société wallonne, articulant l’histoire régionale et la prospective territoriale.

 

Paul Delforge