> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Plan de relance wallon : urgence
2020-02 - Namur, le 28 septembre 2020. > [pdf]
De nombreux observateurs pressent le Gouvernement wallon d’adopter un plan de relance économique pour contrer les effets délétères de la crise sanitaire.
Méfions-nous de l’expression "plan de relance". Elle peut donner à penser qu’une augmentation de la dépense publique, quelle qu’elle soit et par le simple fait d’augmenter la demande, a le pouvoir d’améliorer de manière durable les performances d’une économie. La dépense publique n’est efficace que si elle agit sur l’offre, sur les composantes productives, par exemple les infrastructures, la formation, ou l’innovation. Sinon, son effet ne dure à peu près que le temps de la dépense.
Appel à la mémoire collective : qui se souvient de plans de relance par la dépense publique qui ont débouché sur des effets structurels notables ? Le "New Deal" américain des années 1930 n’a pu sortir l’économie américaine de son marasme, l’envolée des dépenses publiques pour contrer les crises pétrolières n’a eu d’autres conséquences que les politiques d’austérité de la fin des années 1980 et début des années 1990, et le Japon, en dépit d’une dette publique à plus de 200% de son PIB, ne parvient pas à s’extirper d’une stagnation qui prend des allures séculaires.
Il est, à ce propos, intéressant de noter que nombre d’économistes incitent à la dépense publique sur l’argument que le Japon n’est pas déstabilisé par la hauteur de sa dette, au lieu de s’étonner de la maigre efficacité de cette politique budgétaire. Donc plan de relance, mais bien compris : axé sur les ressources productives, celles qu’il faut sauver, celles qu’il faut construire pour l’avenir (entendu que des mesures économiques n’excluent pas des mesures sociales prises par ailleurs).
Premier volet : le sauvetage
Dans ce premier volet de sauvetage, on pourrait mettre en avant deux priorités : éviter que des entreprises saines, forcées à l’arrêt ou à une faible activité par la crise sanitaire, ne disparaissent, et ramener à l’emploi ceux et celles qui perdent leur travail, avant qu’ils/elles ne perdent aussi leur compétence et leur motivation.
Toutes les entreprises mises en difficulté par la crise ne peuvent et ne doivent pas être sauvées, cela a déjà souvent été dit et écrit. Mais comment faire le tri ? Pour la catégorie "PME", les banques sont peut-être les mieux à même de juger de la solidité d’une entreprise. Mais les banques n’ont pas vocation à prendre des risques élevés. Pourquoi, dès lors, et par exemple, ne pas aménager/étendre les mécanismes de garantie publics actuels (logés à la Sowalfin) pour inciter les banques à une plus grande audace, mais toujours raisonnée. Pour les plus grandes entreprises, la SRIW pourrait, toujours par exemple, prendre des participations temporaires qui aideraient les entreprises que seule la crise a fragilisées. C’est, en passant, un peu une surprise de ne pas trouver sur le site des institutions financières wallonnes un "pavé" qui renseignerait les entreprises sur les soutiens qui pourraient les aider à traverser la crise au mieux.
La deuxième priorité est de limiter la montée du chômage, et surtout d’éviter que des chômeurs conjoncturels ne basculent dans la catégorie structurelle. Dès le mois de mai, le Forem a mis en place l’accompagnement instantané des nouveaux demandeurs d’emploi. Dans les 48h, les conseillers Forem proposent des offres d’emploi aux personnes qui viennent frapper à sa porte. On suppose que l’accompagnement ne s’arrête pas là, que des coachings sont proposés pour augmenter les chances du demandeur d’emploi de décrocher un job. On ne peut qu’espérer que le rythme a pu être tenu depuis mai. Un bilan chiffré serait intéressant à cet égard. D’autres initiatives sectorielles ont été prises par le Forem. Encore une fois, des évaluations doivent être menées pour s’assurer de l’efficacité de ces mesures. En tout état de cause, il faut absolument contenir le chômage, qui est le premier mal économique et social de la Wallonie, tous les moyens doivent être déployés, mais avec l’efficacité voulue, par les autorités publiques pour poursuivre cet objectif.
Élaborer et mettre en œuvre un plan de bataille sur ces deux priorités – sauver les entreprises saines et contenir le chômage – est urgent. L’économie wallonne ne peut attendre 6 mois, ni même 2 mois, car les conséquences les plus dommageables de la crise sanitaire – faillites, pertes d’emplois – vont se découvrir dans un avenir proche.
Pour le second volet, celui d’un "plan de relance", à savoir construire de nouvelles capacités productives, on peut comprendre que le Gouvernement prenne un temps de réflexion, mais il ne faut pas traîner en cours de route, les défis n’attendent pas. Nous en parlerons dans une prochaine chronique.
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