> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Financer massivement la recherche universitaire, une priorité économique
2020-06 - Namur, le 26 octobre 2020. > [pdf]
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Le financement de la recherche universitaire par la Région wallonne a toujours été problématique, souvent insatisfaisant pour les universités, et peu concluant à la mesure de l’impact régional. L’origine remonte sans doute à la répartition institutionnelle des compétences entre la Région wallonne (RW) et la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) (anciennement la Communauté française).
Selon l’interprétation faite par les autorités wallonnes (gouvernements et administration), la FWB finance la recherche fondamentale et la RW, la recherche appliquée. Cette interprétation est d’ailleurs contestée par les universités.
Pour tout dire, s’appuyer sur ce distinguo pour ne pas financer tel ou tel segment de la recherche universitaire est contre-productif pour la Wallonie. Dès lors que la FWB est financièrement exsangue, c’est à la RW de prendre ses responsabilités et de financer ce qui est utile pour son développement, scientifique et économique, peu importent les subtilités constitutionnelles.
Toujours est-il que les autorités wallonnes se sont toujours refusées de financer une recherche universitaire trop en amont et ont exigé des projets universitaires qu’ils présentent des perspectives de valorisation, voire qu’ils soient directement liés à des entreprises, comme dans le cas des financements des projets des pôles de compétitivité. En outre, le financement s’est toujours fait par appels à projets, ce qui a pour conséquence de financer des projets relativement ponctuels, parfois décousus, sans une vision globale de la recherche à moyen terme.
Résultat, la Wallonie n’a pas développé sur son sol de gros centres de recherche universitaires ou interuniversitaires dans des domaines-clés, comme ce fut le cas en Flandre. Force est de constater que, dans la poursuite du même objectif de développement d’une activité économique innovante, la stratégie wallonne - miser sur la valorisation économique - s’est avérée être un relatif échec par rapport à la stratégie flamande, à savoir miser sur l’excellence scientifique de certains laboratoires dans des domaines précis.
Face à ce constat, il est temps d’opérer une révolution copernicienne dans le financement régional des universités. Plus d’appels à projets qui saucissonnent les financements et donc l’activité de recherche, terminées les exigences disproportionnées de valorisation. En lieu et place, pourquoi les services de la Région ne s’efforceraient-ils pas de distinguer, au sein des universités, les laboratoires performants, volontaires, ambitieux, à la pointe de leur domaine, et dont les recherches pourront avoir, dans le moyen terme, des retombées économiques importantes et novatrices. Une fois ces laboratoires repérés, pourquoi ne pas les financer massivement, et sur une longue période ?
TRAIL (Trusted AI Labs), un institut regroupant les 5 universités wallonne et 4 centres de recherche, dédié à l’Intelligence artificielle (IA), dont un des objectifs est de faciliter la transition des entreprises à l’IA, pourrait être un premier candidat à cette nouvelle politique de financement. L’IA constitue en effet un enjeu économique, sociétal et privé de première importance pour les 20 ou 30 prochaines années. Voilà une belle occasion pour la Wallonie de développer un centre similaire à ceux qui existent en Flandre.
Mais il faut voir grand. Si, après un examen rigoureux, TRAIL s’avère présenter un potentiel scientifique et économique conséquent, notamment dans le transfert technologique à nos entreprises, alors il ne faut pas lésiner, il faut abandonner les petits appels à projets aux montants ridicules pour un financement massif - on parlerait de dizaines de millions sur 5 ou 10 ans. Avec, bien entendu, des programmes de travail détaillés et des évaluations régulières.
Et l’expérience pourrait être reproduite dans un ou deux autres domaines, selon l’excellence de nos universités. Ainsi, la Wallonie pourrait bénéficier de deux ou trois écosystèmes attractifs internationalement, qui mêleraient science et entrepreneuriat, et qui seraient générateurs d’activité, de valeur et d’emplois.
Le lecteur pourra être surpris : l’auteur de cette chronique n’avait-il pas annoncé qu’il traiterait de la politique industrielle? Mais la constitution de grands écosystèmes de recherche et d’économie innovante lui paraît être le deuxième volet d’une politique industrielle audacieuse, après le développement de l’entrepreneuriat.
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