> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Budget 2021 de la Wallonie : premiers éléments
2020-08 - Namur, le 9 novembre 2020. > [pdf]
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Les orientations budgétaires, prises par un exécutif, quelque soit le niveau de pouvoir, ont une très grande influence sur la vie des citoyens, tout d’abord sur leurs revenus, influencés par le niveau des impôts, des allocations et des transferts, puis sur les services publics qui leur sont offerts, par exemple au niveau régional dans les politiques de la santé (maisons de repos, infrastructure des hôpitaux, aides aux personnes...), du soutien à l’emploi, de la formation, du logement, de l’environnement, des entreprises, de l’énergie, la liste serait trop longue tant l’action publique, même régionale, est présente dans le quotidien de la population.
La confection et la présentation du budget annuel d’un gouvernement est donc un moment important pour une démocratie. Il permet à ce gouvernement d’affirmer ses orientations et lui donne l’occasion de les expliquer aux citoyens. On est dès lors un peu chagrin quand l’information lors de la présentation du budget 2021 du Gouvernement wallon se résume à un communiqué de presse de 5 feuillets (tableaux compris). Bien sûr, ceci n’est qu’une première étape d’un processus qui se poursuivra au Parlement wallon où le budget sera présenté et discuté en profondeur dans les différentes Commissions. Néanmoins, beaucoup d’observateurs n’ont ni les compétences ni le temps d’explorer les documents déposés au Parlement et/ou de lire les comptes-rendus des débats. Une communication plus complète et plus accessible à un plus large public serait donc la bienvenue.
Quelles sont les premières informations dont on dispose à ce stade ? Ce qui frappe, en premier lieu, c’est la hauteur du déficit à financer qui se montera à près de 4 milliards d’euros en 2020 (budget ajusté) et à 3,8 milliards d’euros en 2021, soit plus de 25% des recettes (13,8 milliards d’euros). Si le solde à financer de 2020 s’explique par "l’impact COVID", celui de 2021 sera le résultat d’un plan de relance et de transition pour les prochaines années.
En dépit de ces importants soldes bruts à financer, le déficit "ordinaire" affiché est de 421 millions d’euros pour 2021 avec une trajectoire qui le ramène à zéro en 2024. Comment expliquer cet apparent paradoxe? D’abord, pour schématiser, certaines dépenses – essentiellement en capital – ne sont pas considérées par l’Europe comme des dépenses en tant que telles et peuvent être dès lors retirées du déficit. Ensuite, le Gouvernement considère que les dépenses liées au COVID ainsi qu’à la relance et la transition sont des dépenses non récurrentes, et qu’elles ne font donc pas partie du budget "ordinaire".
L’impact de la crise COVID (moindres recettes et augmentation des dépenses) sur le budget 2020 aura été de 2,1 milliards d’euros (pour un montant total des dépenses d’environ 17 milliards d’euros), et serait de 900 millions d’euros en 2021 (y compris un "buffer" de 200 millions d’euros). Etant entendu que tout dépendra de l’évolution de la pandémie, le risque que la facture soit plus élevée est loin d’être négligeable.
Quant au plan de relance et de transition, il sera composé du plan wallon de transition (606 millions d’euros), du plan "Get up Wallonia" (500 millions d’euros) et "d’une relance dans les crédits des Ministres et les UAP(1)" (577 millions d’euros). Quelles mesures concrètes dans ces trois enveloppes ? Difficile à dire. On suppose que certaines mesures énumérées plus loin dans le document en font partie mais aucun lien n’est fait. Ce qui est certain par contre c’est qu’on a défini un budget pour le plan "Get up Wallonia" sans savoir ce qu’il contiendra, puisqu’il est au début de son élaboration. Pourquoi 3 enveloppes distinctes qui se recoupent pourtant ? Quelle cohérence entre ces trois enveloppes ? Pourquoi une mesure sera versée dans une plutôt que dans l’autre ? Nous ne disposons pas encore d’informations suffisantes pour répondre à ces questions.
Revenons aux 3,8 milliards d’euros de solde brut à financer en 2021, après 4 milliards d’euros en 2020. De tels déficits constituent-ils une menace pour l’équilibre des finances publiques wallonnes à moyen et long terme, dès lors que la dette publique pourrait augmenter de l’ordre de 40% en 2 ans, passant de 17 milliards d’euros en 2018 (selon le rapport de la dette 2018) aux environs de 24 milliards d’euros fin 2021.
Faut-il s’inquiéter ou non ? Tant la BNB que le autorités européennes (Commission, Banque Centrale Européenne (BCE)) ou encore le FMI estiment que le risque de basculer dans une dépression économique profonde est suffisamment élevé pour ne plus se préoccuper de l’ampleur des déficits et des dettes. Qu’est-ce à dire ? Qu’il ne faudra pas rembourser les dettes contractées pour le moment ? La BCE, qui achète tant et plus les dettes publiques, se garde évidemment bien de répondre à la question pour ne pas inciter les Etats à s’endetter sans frein. La question ne se pose d’ailleurs pas tant que les taux d’intérêts sont quasi-nuls, puisque rien n’est payé sur des dettes, a priori renouvelables à l’infini. Que se passera-t-il quand l’argent sera plus rare et que les taux d’intérêt remonteront ? Il faudra faire preuve d’un peu d’imagination pour ne pas trahir les traités européens mais on trouvera sans doute des solutions, après – parions-le – d’âpres débats, pour soulager les Etats du poids de ces dettes sans cesse croissantes.
Le Gouvernement wallon fait donc bien quand il utilise les marges de manœuvre budgétaires que lui permettent implicitement les autorités européennes et les organismes de surveillance internationaux. Encore ne faut-il pas en abuser pour ne pas griller toutes ses cartouches et faut-il utiliser cet argent à bon escient. L’état actuel des informations ne donne encore aucune certitude sur ce dernier point, mais les débats parlementaires devraient contribuer à y voir plus clair.
(1) UAP=Unités d’administration publique, concrètement les parastataux.
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