> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Technologies numériques : les entreprises wallonnes interpellées
2020-11 - Namur, le 30 novembre 2020. > [pdf]
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La numérisation et l’adoption des technologies numériques avancées (1) améliorent la productivité des entreprises et leur capacité à faire face à la compétition, surtout internationale. Plus de numérisation, ce sont des entreprises en meilleure santé et plus rentables, c’est une production plus importante de richesses régionales, et c’est globalement plus d’emplois, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
Les résultats du "baromètre 2020 de maturité numérique des entreprises wallonnes", publié par l’Agence du numérique de Wallonie (ADN) ce 20 novembre, revêtent dès lors une grande importance dans l’appréciation de la vigueur de nos entreprises. Le document (2) est à la hauteur des attentes, il est complet, fouillé, rigoureux, clair et opérationnel puisqu’il peut aisément servir de tableau de bord pour piloter la politique numérique de la Wallonie.
Il n’est pas possible dans une chronique de 900 mots de résumer un rapport de 100 pages, ni même de rendre compte de la totalité des excellentes synthèses mises à la disposition par l’ADN sur son site (3).
En une phrase, le niveau de maturité numérique des entreprises wallonnes s’est amélioré sur les deux dernières années mais la marge de progression est encore importante. Le score moyen de maturité numérique des entreprises wallonnes a progressé de 5 points depuis 2018 pour se situer à 30, sur une échelle dont le maximum réaliste tourne autour de 80. Il y a progrès mais la route est encore longue. D’autant que 28% des entreprises, soit plus d’un quart, peuvent être considérées, avec un score très faible de 0 à 20, comme étant en situation de fracture numérique. A l’autre extrémité, 12% des entreprises présentent un score double de la moyenne.
Les entreprises wallonnes sont bien connectées et habituellement équipées d’un web. La présence de compétences informatiques en interne a progressé. 71% des entreprises de plus de 10 personnes ont réalisé l’intégration numérique de leurs données (stocks, commandes, clients, livraisons). Par contre, 52% des entreprises n’ont pas créé ou rafraichi leur site web depuis 3 ans. En matière de Cyber-sécurité, alors que 38% des entreprises ont déjà subi une cyber-attaque, seule une entreprise sur deux (54%) utilise un pare-feu pour protéger son réseau, et seulement 12% sont assurées contre les conséquences d’un problème informatique. Autre faiblesse, la digitalisation du traitement des commandes reste insuffisante, malgré un net progrès. En matière d’e-commerce, il y a aussi de gros efforts à fournir : seules 15% des entreprises vendent en ligne et la moitié des sites de vente ne proposent pas de paiement en ligne. Et à la question du pourquoi elles ne vendent pas en ligne, 66% des entreprises n’avancent aucune raison spécifique.
Mais, encore plus préoccupant pour l’avenir de l’économie wallonne, c’est la faible pénétration des technologiques numériques avancées1 dans les entreprises. Entre 2 et 4% des entreprises les utilisent, suivant les technologies envisagées. Si on exclut les entreprises de moins de 10 personnes, le pourcentage est à peu près doublé, mais reste néanmoins très faible.
Si on se concentre sur le secteur industriel, tout à fait essentiel pour la prospérité de la région (4), le tableau ci-dessous (5) n’est pas beaucoup plus réjouissant :
Soulignons quelques chiffres : seuls 5% des entreprises industrielles ont incorporé de l’intelligence artificielle (IA) dans leur process de production, alors que, selon la Commission européenne et beaucoup d’autres experts, "l’IA sera le principal moteur de la croissance économique et du développement de la productivité dans les années futures. Elle va transformer le monde, à l’instar de la machine à vapeur ou de l’électricité". Même constat pour le "big data" : 10% des entreprises de plus de 10 personnes en font usage. L’internet des objets (IOT) n’est présent que dans 8% des entreprises de plus de 10 personnes.
Mais le plus préoccupant de tout, c’est que ce désintérêt pour les technologies numériques peut s’expliquer par l’absence de conscience, chez les chefs d’entreprise wallons, des enjeux cruciaux de la numérisation. Selon l’enquête menée par l’ADN, seuls 45% des patrons d’entreprise de plus de 10 personnes considèrent que le numérique est une opportunité stratégique à saisir, 27% pensent que certaines technologies numériques sont utiles, mais qu’il ne faut pas nécessairement digitaliser tous les processus de travail, et 28% - plus d’un quart ! - sont sans opinion ou voient dans le numérique un effet de mode comportant des risques et des coûts.
Ces chiffres effarants donnent à réfléchir ou plutôt incitent à agir sans tarder pour d’abord sensibiliser les chefs d’entreprise, et ensuite les inciter à adopter au plus vite les technologies numériques. Mais l’ADN n’avait pas attendu cette enquête pour lancer, depuis 2017, un programme de cette nature : "Made different – Digital Wallonia" qui rassemblait un grand nombre d’acteurs (fédérations sectorielles, pôles de compétitivité, clusters, intercommunales, centres de recherche, etc.) et dont les initiatives ont rencontré un beau succès. Pour cette raison, et l’ampleur de la tâche encore à accomplir, le programme est prolongé sur la période 2020-2024 sous le nom "Industrie du futur – Digital Wallonia". Ce programme est tellement important pour l’avenir de l’économie wallonne qu’il mérite bien une chronique pour lui tout seul, celle de la semaine prochaine, sauf imprévu.
(1) Blockchain, impression 3D, smart et big data, chatbots, internet des objets, intelligence artificielle, réalité augmentée ou virtuelle, robots de services, drones, robots de procuction, systèmes embarqués etc.
(3) https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/entreprises2020
(4) voir mes chroniques du 5 et 12 octobre 2020: http://www.institut-destree.eu/chronique-economique_didier-paquot.html
(5) source: “Baromètre 2020 de maturité numérique des entreprises wallonnes” p. 47.
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