> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Le marché de l’emploi wallon est-il plus performant ?
2021-02 - Namur, le 18 janvier 2021. > [pdf]
Photo Dreamstime - Dimasobko
La baisse spectaculaire du chômage entre 2014 et 2019
Le FOREM, l’agence wallonne pour l’emploi, a publié, ce 5 janvier, le bilan 2020 du marché de l’emploi wallon. Comme on pouvait s’y attendre, le chômage a augmenté en moyenne l’année dernière, en raison de la crise sanitaire.
Mais avant d’aborder 2020, revenons sur la longue période de recul du chômage entre 2014 et 2019, qui mérite un commentaire tant elle a été exceptionnelle par sa longueur et son intensité.
Le graphique ci-dessous reprend la série longue des demandeurs d’emploi inoccupés. Cette série a le mérite de ne pas avoir trop "souffert" de ruptures méthodologiques au cours du temps, même si il faut rester prudent quand on analyse une série sur une si longue période.
Ces réserves faites, on peut constater, sur le graphique, que jamais le chômage n’avait diminué sur une si longue période, sinon entre 1994 et 2001. Mais pendant les dernières années du siècle dernier, le chômage n’avait pas connu l’intensité de décrue qui peut être observée entre 2014 et 2019. Entre ces deux années, le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés est passé de 254.089 personnes à 203.247, soit une réduction de 20%. On n’avait jamais connu une telle réduction depuis 1982, ni un chiffre si bas depuis 1991.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
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Comme le montre le tableau 1, toutes les catégories d’âge ont bénéficié de cette baisse du chômage, et significativement les plus les jeunes (-28%), ce qui est une bonne nouvelle car le chômage des jeunes est très élevé en Wallonie. Par contre, la diminution est beaucoup moins prononcée chez les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans (-13%), ce qui suggérerait que les entreprises, en dépit de la bonne conjoncture, continuent à se séparer structurellement de leurs travailleurs âgés et qu’il est très difficile, pour ces derniers, de retrouver un emploi.
La diminution du chômage s’explique évidemment – presque tautologiquement – par la croissance de l’emploi, de l’ordre de 0,8% en terme annuel sur la période 2014-2019. Cette création d’emplois ne s’est pas accompagnée d’une croissance de l’activité très importante, puisque la croissance du PIB a été de 1,7% annuels durant cette période, preuve que les gains de productivité ont été modestes au cours de ces années.
Si on peut se réjouir de cette baisse de 20% du nombre de demandeurs d’emploi, il faut toutefois se garder de toute euphorie. Le taux de chômage, basé sur cette série, était encore de 12,8% en 2019.
Ce taux de chômage n’est cependant pas le taux de chômage qui retient l’attention des économistes. C’est un taux qui donne une bonne mesure de l’inoccupation en Wallonie mais il ne rend pas compte du concept économique de demandeurs d’emploi.
Un autre taux est donc calculé, basé sur une enquête où une personne est considérée comme chômeuse quand elle répond à 3 critères : ne pas avoir travaillé dans la semaine précédente, chercher activement de l’emploi et être prête à accepter un emploi qui lui est offert. C’est la définition du Bureau International du Travail (BIT), que tous les pays ont adopté et qui permet donc des comparaisons internationales.
En 2019, le taux de chômage au sens du BIT était de 7,1% en Wallonie, contre 9,6% en 2017. Une diminution substantielle et sans doute à un taux historiquement bas (1). Mais ce taux reste très élevé car on considère qu’un taux de chômage correspondant au plein emploi se situe entre 3% et 5%. Par exemple, le taux de chômage en Flandre était de 3% en 2019, un des taux les plus bas en Europe.
Hausse modérée du chômage en 2020
On peut d’autant moins se satisfaire de ce taux que le chômage est reparti à la hausse au printemps 2020, dû plus que probablement pour une très grande part à la crise sanitaire. Sur l’année 2020 dans son ensemble, le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés a augmenté de 3% en moyenne pour atteindre 209.263 unités. Le taux de chômage calculé à partir de cette série est monté à 13,1%.
Nous n’avons pas encore, pour le dernier trimestre 2020, les chiffres basés sur l’enquête des forces de travail (selon la méthode BIT). Sur les 3 premiers trimestres de l’année dernière, le taux de chômage était resté au niveau de 7%. Mais cette série est une série très erratique, il faut attendre le dernier trimestre pour avoir une idée claire de l’année.
Surtout que nous sommes peut-être dans une période de calme avant la tempête. Quand les mesures spéciales de chômage temporaire et de suspension des faillites prendront fin, on peut craindre des suppressions d’emplois beaucoup plus importantes et des difficultés croissantes pour les demandeurs d’emploi à trouver un emploi.
Encore améliorer l’efficacité du marché du travail
C’est donc une priorité de mettre tout en œuvre pour limiter une nouvelle augmentation du chômage. Le FOREM a fort opportunément mis en place l’accompagnement instantané où, dans les 48 heures suivant leur inscription, les nouveaux demandeurs d’emploi sont pris en charge pour trouver un emploi rapidement. LE FOREM a aussi intensifié ses relations avec les employeurs pour répondre à leur besoin. Il a aussi mis sur pied des formations adaptées aux nécessités de la crise sanitaire.
Ces efforts doivent se poursuivre et s’amplifier. Il faut éviter que les demandeurs d’emploi "conjoncturels", c’est-à-dire chômeurs en raison du faible niveau de l’activité économique, ne deviennent des demandeurs d’emploi "structurels" en raison de la perte de compétences ou de motivation.
Mais, au vu des performances du marché de l’emploi wallon durant les année 2014-2019, on peut espérer que celui-ci s’est amélioré, qu’il est devenu moins rigide, plus dynamique, que les demandeurs d’emploi sont mieux accompagnés et peut-être mieux formés. Ce nouveau choc sur l’emploi et le chômage peut donc être vu comme une épreuve de vérité qui confirmera ou non les espoirs d’un marché de l’emploi wallon plus efficace.
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(1) Une révision méthodologique importante a profondément remanié l’enquête sur les forces de travail en 2017. Les comparaisons avec les années précédentes sont donc vivement déconseillées.
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