> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Derniers chiffres de la croissance économique en Wallonie
2021-05 - Namur, le 8 février 2021. > [pdf]
Photo Funtap - Dreamstime
Les carences des comptes régionaux
Comme chaque année à cette époque, la Banque nationale de Belgique (BNB) publie les comptes régionaux pour les 3 régions du pays. Les comptes régionaux sont le petit frère des comptes nationaux. Ces derniers, selon la définition de la BNB, sont un système de comptabilité macroéconomique qui permet de rassembler dans un cadre cohérent un très grand nombre de statistiques sur les grandes variables économiques, tels le Produit Intérieur Brut et ses composantes, l’emploi, les comptes du secteur public, etc.
Les comptes régionaux n’en sont que le petit frère car ils rassemblent beaucoup moins de statistiques. Ce qui est d’ailleurs tout à fait regrettable dans un pays fédéral comme la Belgique où de très nombreuses compétences, économiques et sociales sont aux mains des gouvernements régionaux, et surtout parce que les économies régionales connaissent des destins très différents et demandent donc chacune une analyse spécifique. Tout aussi regrettable est le fait que ces statistiques ne sont publiées qu’avec beaucoup de retard. En janvier 2021, sont publiées les statistiques principales (valeur ajoutée, emplois) pour 2019, et pour d’autres agrégats, comme les revenus, on doit se contenter des chiffres de 2018.
On continue de s’étonner que la production des statistiques régionales n’ait pas suivi la régionalisation politique, et que plus d’efforts n’aient pas été jusqu’ici consentis par les instituts statistiques fédéraux pour fournir aux régions les chiffres qui leur permettraient de suivre leur économie au plus près. Car comment piloter une économie sans un tableau de bord à jour? En outre, les statistiques sont soumises à des révisions, parfois profondes, comme le montre le tableau ci-dessous qui reprend l’évolution des estimations de la Valeur Ajoutée totale réelle, c’est-à-dire la somme de ce qui a été produit sur le sol wallon pendant une année (à quelques nuances près, le Produit Intérieur Brut (PIB) réel). Ce tableau n’est pas facile à lire, mais il mérite quelques efforts.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
référencé sous le titre de la chronique
Il indique par exemple que la première estimation de la croissance de la Valeur Ajoutée pour 2017 était de 1,6% mais qu’elle est passée à 2,3% dans la publication suivante, pour retomber à 1,7% lors de la troisième estimation qui n’est sans doute pas encore le chiffre définitif. Pour la croissance de 2018, l’estimation de l’année dernière était de 1,3%, mais elle a bondi à 2,6% lors de sa deuxième estimation faite cette année. D’une croissance médiocre, on est passé à une croissance relativement exceptionnelle. Encore une fois, de telles imprécisions dans les estimations rendent très malaisée l’analyse de l’évolution récente des économies régionales belges, et singulièrement celle de la Wallonie.
Evolution de la croissance économique
Mieux vaut, pour ne pas risquer de se désespérer ou s’enthousiasmer inutilement, d’approcher la croissance économique régionale par une moyenne sur plusieurs années. Au cours des 5 dernières années, la croissance économique wallonne s’est située à 1,8% en moyenne annuelle arithmétique. Pour donner un ordre de grandeur, la croissance réelle annuelle moyenne de la zone euro, pour la même période, a atteint 1,9%.
En comparaison dans le temps, la croissance réelle en terme annuel s’était chiffrée à 2,4% entre 2004 et 2008, précédente période haute du cycle économique. Comme partout en Europe, il y a un ralentissement tendanciel de la croissance économique depuis 20 ou 30 ans, essentiellement dû à de moindres gains de productivité.
Sont-ce de bons chiffres, de mauvais chiffres ? La croissance est le résultat de la progression de l’emploi, des revenus, et de la productivité. C’est donc au regard de ces variables que l’agrégat final – la croissance du PIB ou de la valeur ajoutée - doit être apprécié. Dans une économie où l’emploi et les niveaux de revenu sont élevés, la croissance est moins nécessaire que dans une économie où le taux de chômage est important et les revenus insuffisants pour une part importante de la population. Clairement, la Wallonie se trouve dans cette seconde catégorie d’économie. Les taux de croissance actuels laissent présager que la croissance de l’emploi et des revenus est encore insuffisante pour que l’ensemble de la population wallonne puisse bénéficier d’un bien-être suffisant.
Il ne faut pas négliger la productivité du travail. Pour rappel, la productivité du travail est le rapport entre la production et le nombre d’emplois, c’est à dire ce qu’une personne au travail génère de production. Plus la productivité est importante, plus les salaires et les revenus pourront progresser. C’est donc toujours un peu curieux que certains se félicitent d’une croissance riche en emplois, à savoir une forte création d’emplois pour des taux de croissance économique relativement faible. Car une telle combinaison ne signifie rien d’autre que les emplois créent une valeur moindre, et donc des revenus plus étriqués. Au contraire, il faut encourager la création d’emplois générateurs de beaucoup de valeur et donc d’une croissance plus élevée, même si, dans le court terme, des emplois de faible productivité sont nécessaires pour employer des personnes faiblement qualifiées. Mais c’est un aveu de démission de tout un système éducatif et de formation à laquelle on ne peut se résigner.
Plus le système éducatif francophone sera performant, plus le tissu économique sera composé d’entreprises à haute valeur ajoutée, générant de bons salaires et revenus. On ne peut donc s’accommoder de ce que plus de 14% des jeunes sortent de l’école sans diplôme ou que le nombre d’élèves en alternance soit si faible. Le "Pacte d’excellence pour l’enseignement" doit être une réussite, c’est notre devoir envers les générations futures.
> Inscrivez-vous par mail à cette chronique économique :
economics [at] institut-destree.eu Bienvenue
> Partagez aussi cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr