> Tribune de Philippe Suinen

v Un New Deal culturel pour l'Europe et la Wallonie

Namur, le 8 mars 2021.

Photopassjonata - Dreamstime

Plusieurs opérateurs culturels(1) ont publié le 27 février dernier une opinion sur l’importance de placer un New Deal culturel européen au centre du Plan de Relance, avec l’invitation à ne plus ignorer notre culture commune. Plus précisément, depuis la 2ème guerre mondiale et surtout depuis les dernières décennies, la création d’administrations et organismes publics en charge de la culture aurait mis l’accent sur nos cultures propres et spécifiques en occultant notre héritage culturel commun. 

Cela représente une dynamique de suprématie de ce qui nous divise sur ce qui nous (ré)unit et a stimulé les réflexes nationalistes, populistes et corporatistes aux dépens d’une création culturelle à portée universelle, qui a pourtant toujours été un point fort de l’Europe. 

Avec une autre approche, soulignent-ils, nous pourrions utiliser aussi bien notre diversité que nos points communs et placer chacune de nos particularités dans une perspective européenne. 

À mon avis, il ne s’agit ici ni de parler de "civilisation chrétienne" (par respect pour une diversité philosophique transversale, qui a placé aussi d’autres visions spirituelles et morales dans le fond commun européen), ni d’exalter une culture identitaire de repli ignorant la différence et l’altérité, à l’instar de la politique culturelle hongroise défendant une identité nationale à coups de censures, limogeages et suppressions de subsides. On peut espérer qu’une voie voisine ne soit pas empruntée par la Flandre, dont l’accord gouvernemental réclame un canon reprenant tous les points d’ancrage de l’histoire et de la culture flamandes. La même déclaration enjoignait à la VRT de se consacrer plus que jamais au renforcement de l’identité flamande.

Même si Poitiers 732 est parfois cité par d’aucuns dans un esprit d’exclusion ("En l’an 732, Charles Martel écrasa les Arabes à Poitiers"), l’âme de la construction européenne n’est pas là et récuse en effet le rejet de l’autre. Non, il s’agit bien de "plus jamais la guerre entre nous" et "plus jamais l’abjection de l’Holocauste"(2). Avec une propension à l’universel et une relation positive entre identité, diversité, altérité et humanité.

On ne peut que se réjouir que la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, ait voulu que le Pacte Vert pour l’Europe soit davantage qu’un projet environnemental ou économique: en l’occurrence, un nouveau projet culturel pour l’Europe. De quoi confirmer là que la culture constitue un besoin essentiel pour l’être humain. La référence au Bauhaus et le titre de nouveau Bauhaus européen(3) indiquent bien qu’il s’agira, pour reprendre ses termes, d’"un espace collaboratif et créatif où architectes, artistes, étudiants, scientifiques, ingénieurs et concepteurs œuvrent ensemble à faire de cette vision" (alliant design, durabilité et innovation numérique) "une réalité". En répondant à une question éminemment sociale : "À quoi peut ressembler, pour les Européens, une vie moderne en harmonie avec la nature?".

Les Régions ont un rôle important à jouer par rapport à ces enjeux, et tout particulièrement les Régions belges, porteuses d’identité positive et reconnaissant  la culture comme besoin essentiel du citoyen. Valorisant aussi leur diversité comme facteur de progrès et base d’initiatives et coopérations interrégionales: l’Europe par la Wallonie.

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(1) Giuliano da Empoli, Guillaume Klossa, Carlos Moedas, Isabel Pires de Lima, Fernando Savater, Roberto Saviano, Sasha Waltz, André Wilkens, Sneska Quaedvlieg-Mihailovi, "Alleen Odysseus kan Europa weer herstellen", "De Standaard", 27 et 28 février 2021, p. 62.

(2) Franz Timmermans, 24 janvier 2020, www.liberation.fr

(3) Un nouveau Bauhaus européen: tribune de la présidente Ursula von der Leyen, Commission européenne, Bruxelles, 15 octobre 2020.

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