> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Un choc économique bien amorti
2021-13 - Namur, le 11 avril 2021. > [pdf]
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Le 30 mars dernier, l’IWEPS (1) a publié son analyse semestrielle de l’économie wallonne (2), incluant des projections pour l’année en cours. Le tableau ci-dessous reprend quelques uns des principaux indicateurs.
Le choc de la crise sanitaire sur la production a été rude, puisque le PIB réel (la production globale) a diminué de près de 6% en 2020. C’est la chute la plus importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que les économies européennes, et l’économie belge en particulier, n’ont jamais connu de cycles économiques avec de grandes variations. Pour la Belgique, on décompte seulement 5 années de récession depuis 1975, et jamais deux de suite, et d’ampleur minime (sauf 2009 où la baisse du PIB a atteint 2%). Cette fois encore, seule l’année 2020 sera une année noire, puisque la croissance devrait reprendre dans toute l’Europe dès 2021 (4,1% en Wallonie selon l’IWEPS).
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
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A quoi doit-on cette stabilité économique ? Sans doute, pour une bonne part, aux politiques économiques contra-cycliques, tant budgétaires que monétaires. Laissée à elle-même, l’économie de marché montrerait des variations beaucoup plus violentes. Prenons simplement conscience que cette stabilité n’est pas donnée mais qu’elle est le fruit d’une gouvernance économique assez bien au fait de la maîtrise des cycles économiques.
Il n’empêche, une crise économique ne se résume pas aux variations du PIB, elle se mesure aussi notamment à son impact sur la population.
A cet égard, les politiques de support mises en place dès le premier confinement ont assuré une large protection aux personnes susceptibles d’être affectées par la crise. Si on se réfère au tableau 1, on constate sans surprise que le revenu primaire des ménages (c’est-à-dire le revenu tiré de leurs activités ou de leur propriété) a diminué de 3,5% en 2020. On se serait attendu à pire, compte tenu de la sensation d’un arrêt complet de l’économie. Mais, ce qui peut étonner encore plus, c’est que les allocations diverses versées aux différentes catégories de la population ont plus que compensé la perte de revenus primaires, avec pour résultat que le revenu disponible des ménages (le revenu que les ménages ont dans leur poche après transferts) a augmenté de 1,7% en 2020, et de 1% en termes réels (hors inflation).
Bien entendu, un indicateur macro-économique masque les drames individuels. Une plus grande précarité s’est développée au sein même des populations déjà précaires, les inégalités ont pu s’accroitre, certaines populations, comme les jeunes étudiants, ont vécu une année très difficile, les personnes déjà sans emploi ont encore plus de mal à en décrocher un, beaucoup d’indépendants se sont trouvés très fragilisés, avec des faillites au bout du compte. Il n’est pas question de minimiser les grandes difficultés financières dans lesquelles ont été plongés de nombreux foyers. Néanmoins, face à une crise sanitaire inattendue et inédite, les pouvoirs publics, avec la bénédiction et les encouragements des Institutions internationales, ont plus qu’évité le pire, ils ont préservé le niveau de vie de la grande majorité de la population.
Non seulement, les politiques contra-cycliques ont préservé le niveau de vie mais aussi l’emploi. C’est une autre surprise que nous réservent les estimations et prévisions de l’IWEPS. Comme on peut le lire au tableau 1, l’emploi global n’aurait pas diminué en 2020, malgré la chute de la production, et il en serait de même en 2021. Encore une fois, la vision macro-économique ne peut rendre compte des destins individuels qui se jouent lors des faillites ou des plans de réductions d’emploi. Mais ici aussi, les politiques mises en place, à savoir le chômage temporaire et les aides aux entreprises, ont suspendu et suspendent encore beaucoup de décisions de licenciement avec l’espoir qu’une reprise imminente et rapide les annule tout simplement.
L’ensemble de ces politiques d’amortissement a pour conséquence un vertigineux accroissement des déficits budgétaires et des dettes publiques. Quelles menaces les déséquilibres des finances publiques feront-ils peser sur le bien-être futur des populations ?
Un élément rassurant : les coûts de ces emprunts (c’est-à-dire les charges d’intérêt), grâce aux politiques monétaires menées par les grandes banques centrales dans le monde, sont quasi nuls.
Tout le débat tourne autour du remboursement de ces nouvelles dettes. Si la croissance est au rendez-vous pour quelques années, un retour à l’équilibre budgétaire (qui ne se fera néanmoins pas si facilement que ça) accompagné d’un peu plus d’inflation, entraînera une réduction du fameux ratio dette publique/PIB, le coût de la normalisation de l’endettement ne sera alors pas trop pénible. Mais si la croissance piétine, si les gouvernements peinent à réduire les déficits sous la pression des demandes des populations, si un nouveau choc survient, alors la question du remboursement reviendra titiller les esprits.
Il y a sans doute de très bonnes raisons psychologiques, juridiques, politiques, institutionnelles, comptables pour rejeter avec force l’éventualité du non-remboursement de la dette accumulée pendant la crise sanitaire. Les justifications purement économiques sont moins convaincantes. Pourvu que l’opération soit menée avec soin et habileté, l’annulation de cette "dette COVID" ne devrait pas avoir de conséquences néfastes sur les grands équilibres macro-économiques, au contraire.
A chaque jour suffit sa peine. Pour l’heure, on constatera avec satisfaction que les enseignements accumulés sur le fonctionnement de l’économie à l’occasion des différentes crises depuis celle de 1929 ont permis d’éviter que, au drame humain de la pandémie, s’ajoute un drame économique et social collectif.
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(1) Institut Wallon de l’Evaluation, de la Prospective et de la Statistique
(2) https://www.iweps.be/publication/tendances-economiques-n61/
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