> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Trop d’emplois vacants en Wallonie
2021-15 - Namur, le 26 avril 2021. > [pdf]
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Qu’entend-on par emploi vacant ? Selon la définition d’Eurostat, l’Office Statistique de l’Union européenne, un emploi vacant est "un poste rémunéré nouvellement créé, non pourvu, ou qui deviendra vacant sous peu, pour le pourvoi duquel l’employeur entreprend activement de chercher, en dehors de l’entreprise concernée, un candidat apte; est prêt à entreprendre des démarches supplémentaires; et a l’intention de le pourvoir immédiatement ou dans un court délai"’. C’est donc une définition assez restrictive qui sous-estime sans doute le nombre d’emplois disponibles dans une économie.
Le taux d’emplois vacants est le rapport entre le nombre d’emplois vacants et la somme du nombre d’emplois occupés et le nombre d’emplois vacants.
Eurostat a publié les chiffres du 4ème trimestre 2020, le 20 mars dernier, calculés sur base d’une enquête homogène dans les pays de l’Union (à l’exception du Danemark, de la France et de l’Italie). Statbel, l’office belge des statistiques, avait publié les chiffres nationaux et régionaux quelques jours plus tôt.
La théorie économique voudrait qu’il y ait une corrélation négative entre le taux de chômage et le taux d’emplois vacants : plus le chômage est élevé, moins il y a d’emplois vacants, puisque les entreprises sont censées avoir l’embarras du choix pour trouver du personnel. Et inversement, moins le chômage est important, plus les entreprises éprouvent des difficultés à recruter, et plus le taux d’emplois vacants est important.
Le graphique 1 ci-dessous reprend les données des taux d’emplois vacants des taux de chômage pour la plupart des pays de l’Union Européenne. On peut constater que la logique économique est assez bien respectée. Les pays qui ont un taux de chômage au-dessous de 5% ont un taux d’emplois vacants plus important (la partie gauche du graphique), tandis que ce taux diminue pour des taux de chômage plus importants, à l’exception notable de la Pologne, la Roumanie et, dans une certaine mesure, l’Irlande. La corrélation est évidemment loin d’être parfaite mais elle est éclairante, compte tenu des caractéristiques propres de chaque marché du travail national.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
référencé sous le titre de la chronique
Qu’en est-il de la Belgique ? Pour le pays dans son ensemble, la corrélation entre le taux de chômage (5,8%) et le taux d’emplois vacants (2,9%) est cohérente avec les autres pays qui ont des taux de chômage bas. Tout de même, le taux d’emplois vacants est dans la fourchette haute.
Mais c’est encore la décomposition du taux national en taux régionaux, qui met en lumière des situations régionales très différentes, comme le montre le tableau ci-dessous. La Flandre avec un taux de chômage de 3,2% et un taux d’emplois vacants de 3,2% est dans une situation qui correspond assez bien à celle des pays au taux de chômage similaire.
Si on introduit les régions belges dans le premier graphique, les situations particulières de Bruxelles et de la Wallonie sautent aux yeux.
La Wallonie, et encore plus Bruxelles présentent des taux d’emplois vacants hors proportion avec leur taux de chômage. Seuls deux pays (la Tchéquie et l’Allemagne) ont un taux d’emplois vacants supérieur à celui de Bruxelles, mais avec des taux de chômage respectivement de 3% et 4,6%, alors que le taux de chômage à Bruxelles est de 12,8%. De même, seuls 4 pays ont un taux d’emplois vacants supérieur à celui de la Wallonie (2,4%), mais avec des taux de chômage inférieurs à 4% (sauf l’Autriche) pour un taux de chômage de 8% en Wallonie.
Clairement, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, le marché du travail est grippé. L’offre de travail ne rencontre pas sa demande. C’est un problème majeur qui devrait être une priorité dans chaque région : diminuer le nombre d’emplois vacants. On peut citer, sans doute parmi d’autres, 4 causes qui peuvent expliquer cette inadéquation offre/demande : les agences régionales pour l’emploi (Actiris pour Bruxelles, le Forem pour la Wallonie) échouent à bien accompagner les demandeurs d’emplois vers les employeurs, et à guider les employeurs vers les demandeurs d’emplois. La deuxième raison tient dans le manque de qualifications appropriées des demandeurs d’emploi, dû à un enseignement déficient ou à des formations inadaptées. Troisièmement, certains emplois (comme dans la construction) sont peu attractifs et évités. Enfin, la discrimination à l’embauche joue certainement aussi un rôle, les employeurs préférant laisser des emplois vacants plus longtemps plutôt que d’embaucher, par exemple, des personnes issues de l’immigration ou étrangères. Toutes des causes qui ne sont pas des fatalités, qui peuvent faire l’objet de politiques ciblées pouvant amener des progrès significatifs, du moins pour ce qui concerne les deux premières causes, les deux dernières étant plus délicates à aborder.
A combien se chiffrent ces emplois vacants? Selon l’enquête menée par Statbel, ils sont au nombre d’un peu plus de 24.000 en Wallonie, au 4ème trimestre de 2020. Ce n’est pas énorme, mais, tout de, même, diminuer ce nombre de moitié réduirait le chômage wallon de 5%. Et puis, pour un emploi réellement vacant, combien d’emplois les employeurs ont-ils renoncé à pourvoir, faute de candidats, combien d’entreprises limitent leur croissance pour ne pas devoir affronter un marché du travail déficient ?
Le bon fonctionnement du marché du travail est vital pour une économie, les conséquences de son inefficacité sont souvent sous-estimées. Et pourtant, on peut concevoir aisément qu’il est vain d’encourager la création ou le développement d’entreprises si ces dernières ne peuvent trouver les compétences qu’elles recherchent.
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