La réflexion et l’action vers une Wallonie plus forte, plus résiliente et plus inclusive doivent prendre en compte la résurgence de la question institutionnelle en Belgique et l’(au moins) apparente décontraction, teintée de courtoisie, qui caractérise pour le moment les échanges sur le sujet. C’est comme si le paysage politique dans pratiquement son ensemble appréciait fortement cette brise, institutionnelle mais rafraîchissante, qui paraît inspirer une assez grande diversité de personnes et ne permet l’utilisation du mot "tabou" que pour annoncer qu’on n’en a pas (ou pas beaucoup).
On constate ainsi, parmi les milieux politiques, une convergence certaine sur la nécessité d’une réforme institutionnelle apportant plus de lisibilité, de cohérence et d’efficience au service du citoyen et avec sa participation. Une certaine convergence apparaît aussi quant à un modèle à 4 Régions (Bruxelles, Flandre, Wallonie et Ost Belgien), qui apparaît comme constituant, de par notamment son impact en simplification, la formule la plus adéquate de rencontre des préoccupations qui viennent d’être mentionnées. Historiquement parlant, cette évolution dans la culture politique fait suite notamment :
- aux défis urgents et lourds posés par la crise pandémique dite "Corona", où l’on a vu tant une assez bonne et efficace coopération entre pouvoirs fédéral et fédérés qu’en contradiction avec cela, une dramatisation d’un fonctionnement jugé pléthorique, du style "Lorsque vous devez parler vaccination, il y a neuf ministres autour de la table" (1) - dont en fait cinq fédérés francophones ;
- à Bruxelles, au renforcement de la dimension et de l’identité bruxelloises des néerlandophones y résidant, devenus plus bruxellois flamands que flamands bruxellois, ce qui accentue le caractère daté et à réactualiser des cinq fameuses résolutions de 1999 du Parlement flamand ;
- à l’objectif et aux processus d’appropriation citoyenne et de démocratie participative, présents désormais, à des degrés divers, dans les pratiques délibératives de chaque pouvoir.
Les initiatives, déclarations et débats de ces derniers mois rendent examinable et faisable un système de fédéralisme intensifié à 4 Régions égales en pouvoirs et compétences. Il s’agit de partir des besoins et aspirations des citoyens ainsi que des défis sociétaux et voir où et comment ils peuvent être rencontrés. Les principes de base du fédéralisme sont à garder à l’esprit dans cette œuvre (autonomie, subsidiarité, coopération, participation - les fédérés constituant le fédéral -, loyauté, primauté du droit et règlement juridictionnel des différends). Ils rejoignent la préoccupation de praticabilité du système (clarté et homogénéité des compétences, simplification et non-redondance des structures).
En termes très pratiques, il ne conviendrait pas - ou plus - de devoir se demander pendant un trop long temps qui est compétent. Une telle situation, dommageable en soi, serait rendue évitable par la clarté et l’adéquation des formulations juridiques, mais aussi par la simplification du paysage institutionnel, en l’occurrence la suppression des Communautés, la reprise de leurs compétences par les Régions et la désignation générale et constante du pouvoir chargé des matières non listées légalement. Même s’il suscite non pas des rejets nets, mais parfois des réactions de prudence, l’article 35 de la Constitution, non encore mis en œuvre, peut présenter une grande utilité puisqu’il précise que "l’autorité fédérale n’a de compétence que dans les matières que leur attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même" et que, par conséquent, "les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières". Cette disposition constitue un appel concret à une simplification et à une lisibilité institutionnelle favorables au citoyen et souligne implicitement la nécessité d’organiser dans le même esprit le paysage des autorités fédérées.
Bien entendu, l’organisation du système doit permettre la plasticité et les approches partenariales évitant l’effet "repli sur soi dans sa forteresse" et permettant la recherche de la taille critique (en incluant aussi la dimension européenne dans les matériaux de base). On doit en effet rendre possibles toutes formes de coopérations entre pouvoirs sous la forme de programmes conjoints et de cofinancements, notamment entre d’une part Bruxelles (et/ou l’une de ses commissions communautaires) et d’autre part la Flandre ou la Wallonie, tenant compte de la connivence et des liens existants. La mise en œuvre des matières internationales peut constituer en l’occurrence un bon terrain de relevé, évaluation et prises d’expériences de coopération nouées jusqu’à présent par les autorités fédérale et fédérées sur le terrain, notamment quant à la prise de positions européennes ou multilatérales, aux collaborations dans et via les ambassades (par exemple les conseillers économiques et commerciaux d’une Région travaillant aussi pour les entreprises des autres Régions) ou encore à la création et au fonctionnement d’organismes cogérés et relevant de plusieurs pouvoirs, comme l’ACE (Agence pour le Commerce extérieur) et WBI (Wallonie Bruxelles International).
Je suis conscient de n’avoir fait qu’ouvrir un livre sans aller plus loin que les premières pages. Mais le livre ne doit pas être trop long et doit rester attractif pour le lecteur et proche de lui. L’Institut Destrée a mis en place un groupe de travail pour affiner les propositions en actualisant et se basant sur le document Brassinne - Destatte du 24 février 2007, intitulé "Un fédéralisme raisonnable et efficace pour un État équilibré". Il nous fera passer au fédéralisme intensifié.
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(1) Propos de Vincent Van QUICKENBORNE, Ministre de la Justice, dans une interview au "Soir", 13 - 14 mars 2021, p. 3. Le Ministre complétait positivement en ces termes: "Et finalement, on parvient à une décision du Codeco, transmise dans un arrêté ministériel qui est publié, je trouve personnellement que cela se passe relativement bien.".
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