> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Le sous-emploi wallon dans l’Europe des régions
2021-17 - Namur, le 10 mai 2021. > [pdf]
Richard Villalon Dreamstime
Eurostat, l’office européen de statistiques, vient de publier les indicateurs annuels du marché du travail de 2020 pour les 281 régions/provinces (selon les pays, la classification NUTS 2, pour les spécialistes) de l’Union européenne. Ces indicateurs sont les résultats d’une enquête homogène conduite dans les 27 pays de l’Union. La définition du chômage est celle du Bureau International du Travail (1). Attention de ne pas confondre avec les chiffres administratifs du chômage, qui sont un décompte des personnes inscrites au chômage. Les conditions d’inscription variant d’un pays à l’autre, il n’est pas possible de mener des comparaisons internationales sur base de ces chiffres.
Les statistiques annuelles du marché du travail ne sont pas idéales pour suivre l’évolution de l’emploi et du chômage, sinon sur une longue période. Ils représentent en effet une moyenne des chiffres trimestriels et donc oblitèrent les évolutions récentes. Mais les chiffres annuels sont de bons indicateurs pour une comparaison internationale, puisqu’ils ne sont pas soumis à une trop grande volatilité.
Nous avons donc établi une liste des régions/provinces européennes, par ordre croissant pour le taux de chômage, par ordre décroissant pour le taux d’emploi (2), pour l’année 2014 (l’année où le chômage a été le plus haut en Wallonie) et pour l’année 2020.
Le tableau ci-dessous reprend à la fois les taux de chômage de la Wallonie et des provinces wallonnes et leur classement dans la liste des régions européennes.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
référencé sous le titre de la chronique
Au premier regard, on constate une importante diminution du chômage en Wallonie entre 2014 et 2020 (les colonnes (1) et (3) du tableau). Pour la Wallonie, il tombe de 11,7% à 7,2%, il a quasi diminué de moitié dans le Luxembourg, de plus de 40% dans le Hainaut, menant à des taux de chômage jamais vus en Wallonie depuis 40 ans. On peut bien sûr s’en réjouir, pour tous ceux et celles qui ont désormais un emploi et ne sont plus ou pas victimes du chômage.
Mais la comparaison avec les autres régions européennes rend la performance toute relative. En effet, le chômage a connu un recul généralisé en Europe, de sorte que la Wallonie ne se situe que dans le troisième tiers des régions selon leur taux de chômage. Et les 90 régions/provinces qui sont derrière elle sont essentiellement composées des régions de Grèce et d’Espagne, dont les taux de chômage sont extrêmement hauts, des régions du sud de l’Italie, des régions périphériques d’Europe (comme les dom-tom français). Restent quelques régions françaises, suédoises et portugaises.
Il traîne souvent en Wallonie l’idée que le chômage est un mal très répandu en Europe, comme une fatalité. C’est tout le contraire : le chômage est généralement faible dans la très grande majorité des régions européennes continentales. Les taux de chômage élevés, si on excepte les pays ou parties de pays structurellement enfoncés dans le chômage, sont des exceptions. La Wallonie, avec son taux de chômage élevé, est une exception en Europe.
Et que dire des provinces de Liège et du Hainaut ? Leurs, respectivement, 200ème et 207ème places au classement des régions européennes devraient susciter de grosses interrogations et de très grandes inquiétudes. Même le Brabant wallon affiche un taux de chômage élevé au regard de sa prospérité, n’atteignant même pas la première moitié du classement.
Le classement du taux d’emploi est encore plus sombre, comme le montre le tableau suivant.
On constate que le taux d’emploi s’est quelque peu amélioré entre 2014 et 2020, mais pas aussi significativement que le taux de chômage. En comparaison avec le reste des régions d’Europe, le classement de la Wallonie et de ses provinces s’est même détérioré. La Wallonie occupait la déjà peu envieuse 226ème place sur 280 en 2014, elle a régressé à la 239ème place en 2020. Plus beaucoup de monde derrière elle: quelques régions de la Grèce, du sud de l’Italie et de l’Espagne, quelques régions périphériques, ah oui, tout de même une région française : l’Ile de France. Sinon, aucune région de type industriel comme la Wallonie, en retard ou non, ne se trouve derrière elle. Et comme pour le chômage, la décomposition par province révèle des situations catastrophiques : toutes les provinces sont dans le troisième tiers du classement, le Hainaut occupe la 253ème place sur 280, le Brabant wallon, le fer de lance de la Wallonie, a dégringolé de la 142ème place à la 202ème place, Namur de la 178ème à la 220ème, le Luxembourg de la 148ème à la 182ème.
Le sous-emploi est bel et bien le problème n°1 de la Wallonie. Trop peu de gens travaillent, trop peu de gens veulent travailler, par découragement, par manque d’incitations, par l’absence d’un environnement stimulant. Il faut de toute urgence ouvrir des états généraux wallons pour l’emploi.
______________________
(1) Selon la définition du BIT, est chômeur-euse celui ou celle qui n’a pas travaillé dans la semaine qui précède, cherche un emploi activement et est en capacité d’accepter un emploi immédiatement.
(2) On rappellera que le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active (les gens qui ont un emploi et ceux qui chôment), et que le taux d’emploi est le rapport entre le nombre de gens qui ont un emploi et la population entre 20 et 64 ans (la population en âge de travailler).
> Inscrivez-vous par mail à cette chronique économique :
economics [at] institut-destree.eu Bienvenue
> Partagez aussi cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr