v L'intergénérationnel: diversité et fraternité
Namur, le 10 juillet 2021.
Svyatoslav Lypynskyy - Dreamstime
Comme l’été favorise la lecture, cela permet de (re)trouver des formulations aussi pertinentes qu’enthousiasmantes, très certainement non exhaustives, comme ces lignes du Triestin Claudio MAGRIS sur l’identité, facteur de diversité:
"Nous n’avons pas une seule identité, mais plusieurs; quand on parle d’identité, il faudrait toujours le faire au pluriel. Elle se décline en effet en nationale, régionale, religieuse, politique, culturelle, sexuelle et bien d’autres encore. L’identité politique, par exemple, peut parfois être plus importante même que l’identité nationale : je suis pour ma part plus proche d’un libéral de l’Urugay que d’un fasciste italien."(1)
L’identité et la diversité, nous les connaissons bien en Belgique: leur respect et leur valorisation, comme piliers du socle des droits humains, constituent un élément indispensable à l’existence d’une volonté de vivre ensemble. L’âge n’est pas cité dans les exemples de MAGRIS, alors que la diversité intergénérationnelle peut être reconnue et utilisée comme soutien à la rencontre du même défi commun par les jeunes et les seniors, celui du sens et de l’apport à un monde commun.
La bonne idée de l’intergénérationnel
Concernant les séniors, une étude française, transposable avec nuances à la Belgique, détaille les trois formes successives de relégation sociale (2):
- leur sort au travail, où leur expérience est parfois (trop souvent?) considérée comme ne compensant plus le "poids" que représenterait leur manque d’agilité, de productivité et de vitesse perçu, ce qui peut valoir une mise à la retraite avant même l’âge légal (3);
- la retraite, considérée dans l’opinion comme l’entrée officielle en vieillesse et donnant lieu à un décrochage par rapport à une certaine utilité sociale, où l’on n’est plus producteur mais bien consommateur, et ce dans le cadre de la silver economy;
- l’entrée en institution, liée à une perte d’autonomie et à une sorte d’invisibilité sociale.
C’est à ce stade-ci qu’il faut citer et rappeler l’article 25 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne:
"L’Union Européenne reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle".
Il faut donc briser les silos générationnels en amenant les deux générations ici visées à faire des bouts de chemin ensemble, les jeunes profitant de l’expérience et de la vision holistique des séniors, qui eux, grâce aux jeunes, seront ou resteront inclus dans le monde numérique notamment. Au figuré, briser ces silos revient à reconstruire le territoire (par des îlots intergénérationnels de logement et d’activités et par le soutien à des projets de même philosophie rencontrant le bien commun). Il en va de même dans le milieu de l’entreprise et du travail, l’âge de la retraite ne devant pas exclure des formes d’adaptation dans l’apport à l’entreprise, à réaliser en conjonction avec notamment les jeunes recrutés.
Fraternité
Dimension supplémentaire relevant du socle des droits humains, la fraternité vient encore donner plus de force et de pertinence à cette approche intergénérationnelle, qui doit être rappelée comme un "noeud dans le mouchoir" lors de la conception et l’évaluation de toute politique. La créatrice et metteuse en scène Caroline Guiela NGUYEN, en prélude à la sortie de son spectacle "Fraternité, conte fantastique" au Festival d’Avignon (4), l’a présentée comme "un élan qui lance un regard depuis le présent, vers le passé et vers l’avenir" en ajoutant "Il s’agit de reconnaître l’autre comme un frère, sans hésitation, et agir avec lui, pour lui, parce que nous faisons partie de la même communauté humaine [ ]. Le lien affectif est un élément central et nécessaire à toute vie humaine".
La solidarité par l’action des pouvoirs publics et la sécurité sociale constitue certes un must pour la dignité humaine, mais le citoyen payant des impôts et des charges sociales ne se défausse pas ainsi de son devoir de fraternité sur l’État et ses services. Comme le dit Cynthia FLEURY, la dette de fraternité est infinie et réciproque (5). Valoriser la diversité permet d’en tenir compte en élargissant l’espace de réciprocité.
____________________________
(1) Claudio MAGRIS, Mario VARGAS LLOSA, La littérature est ma vengeance, Conversation, Arcades Gallimard, 2021, p. 4
(2) Chloé MORIN, Daniel PERRON, Être vieux: relégation ou solidarité, Éditions de l’Aube et Fondation Jean-Jaurès, 2021
(3) Ibid., p.30
(4) cf programme du Festival d’Avignon. La pièce sera également à l’affiche du Théâtre National Wallonie Bruxelles du 8 au 11 décembre et du Théâtre de Liège du 15 au 18 décembre.
(5) Cynthia FLEURY Mona OZOUF, Michelle PERROT, Liberté, égalité, fraternité, Éditions de l’Aube, 2021, contribution de Cynthia FLEURY, p. 72.
> Partagez cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr