> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Vers un accompagnement des chômeurs plus efficace
2021-27 - Namur, le 30 août 2021. > [pdf]
Comme nous l’avons déjà souligné dans de précédentes chroniques, le sous-emploi est le premier facteur explicatif des difficultés sociales dont souffre la Wallonie : pauvreté, exclusion, déclassement, marginalisation. Le faible taux d’emploi explique aussi le rendement limité de l’impôt des personnes physiques, qui est pourtant la principale source de financement de l’action publique régionale.
Rappelons quelques chiffres : le taux d’emploi en Wallonie est de 63% au premier trimestre 2021 alors qu’il atteint en moyenne 72% dans l’UE. Les pays les plus performants ont un taux d’emploi qui tourne autour de 80%. On se souviendra aussi que l’objectif européen dans la stratégie Europe 2020, adopté en 2010, était d’atteindre le taux de 75% dans l’Union Européenne en 2020.
Relever le taux d’emploi doit donc être l’objectif n°1 des autorités wallonnes. Pas n’importe comment évidemment, il s’agit de stimuler la création d’emplois, autant que faire se peut, valorisants, durables et décemment rémunérés. On se permet d’encore le répéter : tous les emplois ne se valent pas, d’abord au regard des gens qui occupent ces emplois mais aussi d’un point de vue économique : les emplois à haute-valeur ajoutée, dans les activités exportatrices, apportent plus à la prospérité globale et à la stabilité de long terme de l’économie.
Mais, on le sait aussi, la création d’emplois en Wallonie est fortement freinée par des problèmes de recrutement que rencontrent les entreprises : peu de candidats se présentent, et souvent avec des qualifications, voire une motivation, insuffisantes. Les difficultés des entreprises à trouver les personnes adéquates sont renforcées par les difficultés qu’ont les chercheurs d’emploi (qui remplacent, selon le souhait du gouvernement, l’expression "demandeurs d’emploi") à rencontrer les recruteurs appropriés ou à entreprendre des formations débouchant sur l’emploi. L’inefficacité et/ou l’inertie dans la recherche d’un travail constituent certainement un des grands freins à la dynamique de l’emploi en Wallonie. D’où l’extrême importance d’un appui efficace aux chômeurs dans leurs démarches de recherche.
Un premier décret (le nom pour les lois régionales wallonnes) sur "l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi" avait été voté en janvier 2012. Il semblerait qu’il faille remettre l’ouvrage sur le métier puisqu’un nouveau projet de décret sur le même sujet vient d’être déposé au Parlement wallon par la Ministre de l’emploi Christie Morreale, relatif à "l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi". Il serait avant tout utile qu’une évaluation de l’application du décret de 2012 soit effectuée, qui permettrait de ne pas retomber dans les mêmes défauts et de construire ce nouveau projet sur des bases plus solides.
Ce projet de décret dispose donc que "tout chercheur d’emploi bénéficie, dès son inscription, d’un accompagnement orienté coaching et solutions". Pour ce faire, chaque chercheur d’emploi pourra se voir attribuer un conseiller référent qu’il pourra solliciter "à tout moment". Bien sûr, tout est question de moyens, mais l’objectif d’un tel dispositif de réinsertion dans le marché du travail consiste à ce que celui/celle qui s’inscrit au FOREM ne puisse connaître le moindre retard dans une recherche active d’un emploi. On serait dès lors plus rassuré sur l’efficacité du dispositif si on renversait la logique, à savoir qu’un coaching personnel soit donné à chaque nouveau demandeur d’emploi, quitte à ce qu’il soit allégé si le chercheur d’emploi se débrouille tout seul.
Nous n’entrerons pas plus avant dans les dispositions de ce décret qui contient beaucoup de dispositions intéressantes, mais parfois encore très générales. C’est cependant le propre d’un décret que de rester dans un cadre que la mise en œuvre par les arrêtés d’exécution, les administrations et les organismes eux-mêmes doit concrétiser. Le texte dans sa totalité peut se trouver au lien suivant. Mais soulignons tout de même l’extrême importance du "bilan de compétences" qui sera effectué pour chaque demandeur d’emploi qui le nécessitera. C’est une étape indispensable pour permettre à celui-ci de se faire une idée claire de ses capacités, de l’orienter vers les employeurs adéquats ou vers les formations qui déboucheront sur un emploi.
C’est au FOREM que revient la responsabilité de mettre en œuvre cette nouvelle réforme pour que les chercheurs d’emploi bénéficient d’un accompagnement efficace. Et sans nul doute que seront nécessaires de profonds changements dans l’organisation, la structure, les qualifications du personnel et les mentalités au sein de cet organisme, sans compter l’absorption d’une révolution digitale qui sera une des clés de la réussite du projet.
Une réforme d’une telle ambition appelle une instance d’évaluation et de suivi externe au FOREM, qui assurera que ce nouvel essai soit le bon. Composé d’experts indépendants (c’est à dire qui ne soient pas trop sous l’influence des parties en présence), spécialistes du marché du travail, de l’évaluation, du changement et du management d’entreprises, cette instance devrait être mise en place dès le début de la réforme, recevoir du FOREM toutes les informations nécessaires, entretenir un dialogue régulier avec le management du FOREM et les autorités de tutelle, et, par exemple, remettre un rapport annuel au Parlement où il serait débattu.
Un accompagnement efficace des chômeurs (y compris la formation) est la pierre angulaire de toute politique de l’emploi. Il peut empêcher les chômeurs récents de tomber dans un chômage structurel, redonner espoir et une vie décente à des personnes exclues ou découragées, notamment aux jeunes, alléger les tensions sur les métiers en pénurie, stimuler les entreprises à engager, bref remettre en marche la dynamique de création d’emplois. Les autorités du FOREM doivent mesurer leurs responsabilités déterminantes dans le bien-être individuel et collectif de la population, et mener à bien cette mission qui va lui être désormais clairement assignée par le Parlement wallon, c’est-à-dire par les élus des citoyens, il est toujours bon de le rappeler.
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