v 7ème réforme de l’État: la préparer déjà entre institutions francophones?
Namur, le 1er septembre 2021.
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La 7ème réforme de l’État, qui en tout cas s’annonce, est à considérer comme une opportunité à bien saisir pour que la Wallonie, au moins autant que les autres Régions, puisse mieux se développer, notamment en termes d’emploi, d’activités et de bien-être de ses citoyen-ne-s. Cela vaut en termes aussi bien de compétences que de pouvoirs:
- Il est raisonnable de penser que la réforme induira le transfert aux Régions de matières qui étaient jusqu’alors détenues par le pouvoir fédéral, afin que leur mise en œuvre soit dorénavant mieux en phase avec les besoins spécifiques des Régions et leur situation (ce qui pose le défi de gérer ces compétences avec des résultats meilleurs que ceux qui avaient été enregistrés sous administration fédérale).
- Il est tout aussi raisonnable, en termes de pure gestion, de considérer que le management de domaines d’action risque d’en rester au stade de la stratégie sur papier s’il n’est pas accompagné de pouvoirs suffisants d’impact sur le terrain. En d’autres termes, la mise en œuvre de nouvelles compétences régionales et de leur complémentarité avec les actuelles nécessite, pour être vraiment effective, d’abord le maintien du pouvoir normatif actuel (équipollence des normes et absence de hiérarchie par rapport au pouvoir fédéral), mais aussi les moyens de l’effectivité, tant juridiques (par exemple les possibilités de toucher aux grandes branches du droit lorsque c’est nécessaire) que financiers (en l’occurrence la capacité fiscale et l’inscription dans un cadre de péréquation, basé sur la solidarité et la responsabilisation).
Utiliser déjà les possibilités existantes
Les Wallonnes et les Wallons disposent déjà, à l’heure actuelle, de possibilités légales de se renforcer, au même titre que les Bruxelloises et Bruxellois francophones. Il s’agit de l’application de l’article 138 de la Constitution, qui prévoit ceci :
"Le Parlement de la Communauté française, d’une part, et le Parlement de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d’autre part, peuvent décider d’un commun accord et chacun par décret que le Parlement et le Gouvernement de la Région wallonne dans la région de langue française et le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et son Collège dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale exercent, en tout ou en partie, des compétences de la Communauté française".
Cette disposition permet un regroupement, sous une seule autorité, de compétences naturellement interactives et dont la conjonction avec les compétences régionales actuelles permet d’élargir le champ de vision et dès lors de concevoir et appliquer une stratégie globale de développement intégrant l’éducation dans toutes ses facettes. On sait qu’une politique de développement n’est rien sans un accent important sur la formation et plus largement l’éducation, leurs modalités et leurs contenus. Autre exemple, il en va de même avec la culture, source de créativité et de valorisation de l’identité comme carburant de développement. Ce sont là, on le sait, deux compétences de la Fédération Wallonie Bruxelles, transférables à la Wallonie sans besoin d’intégration dans un paquet de négociation avec le pouvoir fédéral et la Flandre.
Les 3 types de critiques à rencontrer
On peut lister les 3 types de critiques formulées à l’encontre de cette possibilité et réagir à leur propos en rassurant:
- Au-delà du reproche de discours simpliste, on trouve dans certaines critiques un doute quant au point de savoir si la régionalisation de ces compétences va améliorer et simplifier la vie des gens et des acteurs concernés (1). Il peut à ce sujet être rappelé que ladite régionalisation constitue un processus visant à mieux tenir compte de la spécificité des territoires et de leurs besoins, sans devoir aplanir ces dissemblances, qui sont réelles, par exemple entre Bruxelles et la Wallonie. Et c’est aussi une sorte de garantie quant à un développement inclusif de pouvoir adopter une approche globale valorisant la proximité des compétences stratégiques sans devoir s’adresser à un autre pouvoir. En outre, on résout ainsi de la même manière la difficulté soulignée par la critique quant à la situation actuelle ("Il faut des structures qui obligent Région et FWB à dialoguer, sinon elles ne se parlent pas")(2).
- Les critiques mettent aussi l’accent sur un risque de voir "une volonté d’adéquation plus forte à l’immédiateté prendre le dessus" puisqu’"en Région, l’adéquation aux besoins à court terme serait plus forte" alors qu’"en FWB, on est sur du long terme" (2). Ma réaction est de dire avec respect "rastrins!". Là, on rentre dans les faux contrastes: la Wallonie montre depuis 2005 sa volonté et son aptitude à dépasser le "court-termisme" pour mener des plans à moyen et long terme. Il a par ailleurs été regretté à l’époque que le Plan Marshall n’ait pas pu couvrir aussi les compétences communautaires...
- Un troisième groupe de critiques vise la rupture du lien et de l’unité francophones, qui selon elles passeraient nécessairement par la Fédération Wallonie Bruxelles (3). En pur raisonnement fédéraliste, je dirai qu’il revient aux Bruxellois d’être maîtres chez eux et de déterminer ce qu’ils considèrent souhaitable comme contenu et compétences pour leur autonomie régionale. Leur spécificité le mérite. Pour rappel, la possibilité laissée par l’article 138 de la Constitution est de transférer l’exercice de (des) compétences de la FWB au groupe linguistique français du Parlement bruxellois et à son collège, et ce sans avoir rien à demander au pouvoir fédéral et à la Flandre. Renforcer Bruxelles et les atouts de sa spécificité et de sa diversité, le jeu en vaut la chandelle avec notamment l’opportunité, grâce à la future réforme de l’État, d’un fédéralisme classique basé sur l’égalité de statut des composantes de la Belgique et leur participation à l’exercice du pouvoir fédéral (et non le contraire). En outre, Bruxelles, autant que la Wallonie, a droit à une approche et une action globales sur base de l’éventail le plus large possible de compétences stratégiques.
Quant à la coopération entre Bruxelles et la Wallonie, c’est aux deux Régions à la définir ensemble, sans qu’elles soient forcées de diluer leurs compétences et moyens dans un pouvoir institutionnel commun de même niveau qu’elles. Rien ne les empêche, par exemple, de réfléchir ensemble sur l’opportunité, au niveau administratif, de services communs, à l’instar de Wallonie Bruxelles International (WBI), agence chargée depuis 1996 des relations internationales pour la Fédération Wallonie Bruxelles, la Wallonie et la COCOF.
Ensemble, on est plus forts... en restant soi-même.
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(1) "Régionaliser les compétences de la Fédération Wallonie - Bruxelles ne va rien améliorer, au contraire! Alda Créoli (CDH) dit non à une Belgique fédérale limitée à quatre Régions", La Libre Belgique, lundi 19 juillet 2021, p. 12.
(2) Ibid.
(3) "La Belgique à quatre, c’est peut-être le début du confédéralisme. Olivier Maingain, ancien président de Défi, a été chargé de baliser la position institutionnelle du parti. Son credo? L’unité francophone, la simplification du modèle bruxellois", Le Soir, 29 juillet 2021, p. 9.
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