Le Ministre wallon de l'Economie, Willy Borsus,
à la Rencontre des Entrepreneurs francophones le 24 août 2021 à Paris. (Photo Cabinet Borsus - Twitter)
Dans une étude réalisée en 2014 à la demande du président Hollande (1), Jacques ATTALI notait que deux pays partageant des liens linguistiques tendraient à échanger économiquement 65 % de plus que s’ils n’en avaient pas (2).
Cette estimation est à mettre en liaison avec l’ambition et la réalité, dès après la décolonisation, d’affirmer, entre pairs mais aussi au niveau mondial, l’identité francophone, et ce tant par la voie déclarative classique que par la réalisation de programmes et projets de coopération solidaire.
On a ainsi vu naître et fonctionner un espace multi-opérateurs autour de l’O.I.F. (Organisation Internationale de la Francophonie) (3), sans toutefois que l’économie et la dimension entrepreneuriale y prennent beaucoup de place. Il a fallu, au niveau de l’O.I.F., attendre 2021 pour voir prendre corps la première mission économique et commerciale de la Francophonie, programmée du 11 au 20 octobre de cette année au Vietnam et au Cambodge. Du côté du patronat privé, sans - de manière incompréhensible - faire partie des institutions directement reliées à l’O.I.F., la CPCCAF (Conférence permanente des Chambres consulaires africaines et francophones) a joué depuis 1973 le rôle de fédérateur des Chambres de Commerce francophones (qui dit Chambres de Commerce dit entreprises). La Fédération des Chambres de Commerce belges y a occupé une des vice-présidences, jusqu’à s’en retirer en 2020, ce pour des raisons vraisemblablement domestiques.
Pour boucler la boucle historique ce jour, le patronat français (MEDEF) vient d’organiser, les 24 et 25 août de cette année, la "Rencontre des entrepreneurs francophones" (REF) qui, malgré son absence de caractère multilatéral, a réuni 27 délégations de 31 nationalités et près de 600 chefs d’entreprise. Après des déclarations assez cocardières (par exemple que l’heure était à la francophonie économique portée par un patronat français stimulé par la croissance annoncée), le président du MEDEF a pratiqué un certain raccourci historique en affirmant que "jamais les secteurs privés des pays francophones ne s’étaient rassemblés avec la volonté de créer ensemble les outils d’une francophonie des entreprises" (4).
Les marchés francophones sont loin d’être insignifiants pour les entreprises wallonnes: ils représentent 4 % de la population mondiale et 16 % du PIB mondial. Et comme l’a rappelé Olivier de WASSEIGE, Directeur général de l’UWE, présente aussi aux REF, 27 % des exportations wallonnes et 39 % de ses importations (5). On ne peut négliger un tel effet multiplicateur et les marchés francophones nécessitent donc non pas le maintien des efforts wallons, mais bien leur intensification. Histoire en l’occurrence de ne pas connaître sur l’Afrique la surprise d’une croissance forte de nos exportations induisant néanmoins une dégringolade de nos parts de marché... parce que ce dernier en 20 ans connaît une croissance double par rapport à celle de nos exportations.
En tout état de cause, plusieurs points positifs et réflexions sont à retirer de ces évolutions de la francophonie économique:
(1) L’institution internationale représentative de la francophonie (l’O.I.F.) s’est concrètement engagée dans le soutien à nos entreprises par des missions économiques. En liaison avec cela, Willy BORSUS, Vice-Président du Gouvernement Wallon et Ministre de l’Économie, a rappelé aux REF son "attachement à la francophonie multilatérale" et la nécessité de "transformer la diversité - dans l’espace francophone - en opportunité" (4).
(2) Le patronat français a construit, avec les REF, un événement porteur, ouvert aux entreprises non-françaises, dont on souhaite la récurrence et la mise en complémentarité avec d’autres initiatives.
(3) Malgré le retrait des Chambres belges de la CPCCAF, les autorités publiques et entreprises wallonnes ont compris l’intérêt de la francophonie économique.
(4)Fort heureusement, les entreprises wallonnes ne sont pas dans une manœuvre de repli francophone et savent que le monde est leur, en francophonie comme ailleurs, et rempli d’opportunités.
(5) Même si elles sont assez souvent nos concurrentes, les entreprises françaises peuvent apprécier le partenariat avec nos entreprises sur des marchés extérieurs. N’oublions bien sûr pas nos possibilités sur les marchés notamment africains: nous y trouvons la confirmation qu’il est intéressant d’être francophone non français.
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(1) Jacques ATTALI, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable, Vie publique, 25 août 2014
(2) Philippe SUINEN, Pour une francophonie économique offensive et ambitieuse, L’ECHO, 28 avril 2015, p.12
(3) Institution internationale de type multilatéral, dont sont membres la Fédération Wallonie Bruxelles et la Belgique. La Wallonie et la COCOF y sont partenaires de projets. Notre compatriote Roger DEHAYBE y a joué un rôle important comme administrateur général.
(4) Marie-France RÉVEILLARD, MEDEF: le patronat se mobilise autour de la francophonie économique, La Tribune, 30 août 2021
(5) Olivier de Wasseige, Directeur Général de l’UWE, "La francophonie représente 27 % des exportations wallonnes", propos recueillis par Pierre-Henri THOMAS, Trends-Tendances, 2 septembre 2021, p. 12.
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