> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Le Plan de relance wallon, le seuil d’une grande ambition
2021-37 - Namur, le 15 novembre 2021. > [pdf]
Le Gouvernement a publié ce 29 octobre (1) une nouvelle version de son "Plan de Relance de Wallonie" (2), qui inclut un nouvel axe stratégique consacré à la reconstruction des territoires sinistrés par les inondations. Il était en effet indispensable de réorienter une partie du budget du plan initial vers les investissements qu’exige la détresse des hommes, des femmes, des familles meurtries par les inondations de juillet. Sur les 7,6 milliards €, 730 millions seront dévolus à cette tâche.
On se félicitera que le document, rendu public il y a 15 jours, soit beaucoup plus étayé que celui publié le 21 mai 2021 et à propos duquel nous écrivions : "Le Gouvernement wallon ne peut se contenter d’une communication sur base d’un tableau synthétique de 6 pages. L’attente d’une plus grande précision sur le contenu et la manière dont les mesures vont être déployées, ainsi que sur le processus de suivi et d’évaluation qui accompagnera ce plan, est légitime" (3).
Loin de nous la prétention de croire que nous sommes lus par les plus hautes instances de la Région, mais il s’avère que la nouvelle version du Plan de relance rencontre nos trois souhaits, à savoir le détail des mesures qui seront mises en œuvre, ainsi que la présentation des processus du suivi opérationnel et de l’évaluation qui seront mis en place dès le lancement du plan.
Le Plan de relance de Wallonie est construit autour de 6 axes qui poursuivent 22 objectifs stratégiques et que 319 mesures-actions sont chargées d’atteindre.
Face à l’ampleur de l’ambition que le Gouvernement wallon s’est donnée, on ne peut s’empêcher d’être gagné par quelques craintes. Lancer plus de 300 mesures en même temps, est-ce simplement réaliste ? S’est-on assuré que les Cabinets ministériels, les administrations, les organismes publics concernés avaient les ressources suffisantes pour mener à bien autant d’actions de front ? L’état des finances publiques autorise-t-il une telle ambition ? Le Gouvernement ne court-il pas le risque de trop embrasser et de, dès lors, mal étreindre ? Là serait le vrai échec, que les actions essentielles ne puissent pas être menées à bien en raison d’une trop grande dispersion et que les bases mêmes d’un renouveau économique et social ne soient pas assurées, rendant vaines toutes les autres initiatives dont la réussite dépend crucialement d’une économie dynamique génératrice d’emplois et de revenus. N’aurait-il donc pas mieux valu concentrer les forces sur quelques mesures-clés pour redresser le plus rapidement possible l’activité économique et l’emploi, redressement dont les effets bénéfiques sur la situation sociale des citoyens wallons et sur les finances publiques seront substantiels ?
Le gouvernement a fait le choix très audacieux de proposer dans son Plan de relance des mesures pour chacune des compétences régionales. A lui désormais de se donner les moyens pour les mener à bien, et à toutes les parties prenantes de se mobiliser.
Grâce à la précision du document ainsi qu’à la rigueur du processus de suivi qui va être mis en place, l’évolution de la mise en œuvre du plan pourra être suivie presqu’en temps réel.
Chacune des 319 mesures, dénommées "projets", est détaillée avec précision : budget, ministre responsable, organismes compétents, description des étapes du déploiement de l’action. La mise en œuvre du plan sera suivie par des "cellules de suivi", une par objectif stratégique. Ces cellules doivent se réunir toutes les 3 semaines pour mesurer l’état d’avancement des projets relevant de leur objectif. Au niveau supérieur, une "Delivery Unit" sera attachée à chacun des 6 axes, chargée de faire le point sur l’état d’avancement de l’axe. Enfin, un Comité de pilotage global analysera l’état d’avancement du Plan dans son ensemble. Cette architecture de suivi, construite sur différents étages, devrait permettre au Plan wallon de ne pas s’enliser ou se fourvoyer. Reste, une fois encore, à trouver les ressources assurer l’efficacité de la mécanique.
Le processus d’évaluation est, quant à lui, nettement moins convaincant que le processus de suivi. L’évaluation du plan est confiée à l’IWEPS. Le document évoque des analyses évolutives de thématiques spécifiques sélectionnées par l’IWEPS elle-même, puis d’une évaluation ex ante des effets macroéconomiques du plan considéré dans son ensemble à l’aide de modèles.
On aurait pu s’attendre à une évaluation plus proche du Plan lui-même, à savoir une évaluation par objectif, par axe et enfin globale, à l’image du processus de suivi. L’intérêt d’une évaluation c’est d’être suffisamment opérationnelle, non seulement pour mesurer si une action, ou un ensemble d’actions, est en voie d’atteindre son but, mais aussi pour aider les opérateurs à déterminer comment infléchir, réorienter, amplifier leurs initiatives pour mieux approcher l’objectif déterminé.
Chaque "chef de projet" (un pour chacune des 319 mesures) est tenu de définir des indicateurs de résultats. Dans l’idéal, ces indicateurs devraient servir à nourrir des indicateurs d’impact, définis au niveau des objectifs et du plan dans sa globalité. Il est donc indispensable que les évaluateurs aident les chefs de projet à choisir leurs indicateurs de résultats et qu’ils proposent déjà des indicateurs d’impact, tant aux cellules de suivi des objectifs qu’au Comité de pilotage. L’IWEPS doit donc construire son système d’évaluation dès le départ du Plan, et en étroite collaboration avec les acteurs des différents projets et objectifs.
Enfin, des analyses très approfondies ne sont pas nécessaires pour déterminer les indicateurs-objectifs sur lesquels sera jugée la réussite du plan de relance wallon. On peut en proposer 5, incontournables : le taux de risque de pauvreté, le taux d’emploi, le taux de chômage, le revenu primaire moyen, la réduction des émissions des gaz à effets de serre. L’amélioration de ces 5 indicateurs entraînera presque de facto l’amélioration de nombreux autres indicateurs socio-économiques. Le travail ultime de l’évaluateur, après avoir accompagné les acteurs dans leur processus d’évaluation spécifique, sera donc de construire des modèles qui permettront de bien isoler les impacts du plan de relance sur ces 5 indicateurs.
En dépit des craintes que l’on peut nourrir sur l’amplitude du Plan de relance wallon, on souhaite bien sûr sa réussite et on fait vœux que toutes les énergies – tant secteur public que privé – se mobilisent pour enfin sortir la Wallonie de l’ornière socio-économique dans laquelle elle est embourbée depuis bientôt 50 ans. Tout en gardant l’esprit critique, l’esprit de soutien doit prévaloir. Quand le vin est tiré, il faut le boire.
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(1) Communiqué de presse: https://gouvernement.wallonie.be/home/presse/publications/le-gouvernement-wallon-adapte-son-plan-de-relance-apres-les-terribles-inondations-qui-ont-frappe-la-wallonie.publicationfull.html
(2) le texte complet du plan est disponible à https://gouvernement.wallonie.be/files/Images/Plan%20de%20Relance%20de%20la%20Wallonie.pdf
(3) https://www.institut-destree.eu/2021-05-31_chronique-economique_didier-paquot.html
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