Mon propos n’est certainement pas de rappeler intégralement ce qui a été décidé à Glasgow et ... ce qui ne l’a pas été, les appréciations allant du "bla - bla, bla - bla" de Greta Thunberg au "grand pas en avant" de Boris Johnson. En essayant de rester de bon compte, on peut dire que cette Conférence Internationale des Parties et des Nations - Unies sur les changements climatiques a induit un progrès réel, mais assez faible, a été un exercice plus ou moins chaotique de gouvernance mondiale et n’a pas permis à la Belgique de jouer le rôle moteur européen qu’on lui a déjà connu. Voyons donc à la suite chacun de ces trois points.
Un progrès
Sans prétention exhaustive, on peut noter ceci:
v il y a un signal très fort sur l’affaiblissement de l’ère du charbon et, peut-être moins clairement, sur sa fin. C’est en tout cas la 1ère fois, au plus haut niveau, après 26 conférences, qu’ont été couchés sur le papier les mots "combustibles fossiles" et "charbon", qui désignent les principaux responsables du réchauffement (1);
v il est demandé aux Gouvernements de revoir et de renforcer significativement leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce afin de se mettre en ligne avec l’objectif consistant à tout faire pour éviter que le réchauffement global ne dépasse pas le seuil de 1,5 °C;
v le suivi dans la mise en œuvre de ces décisions et sa surveillance sont renforcés et rendus plus efficaces en ce que:
- l’état et les mesures de réalisation de l’objectif visé au point précédent (réduction des gaz à effet de serre) seront examinés en 2022, soit 3 ans en avance sur ce que prévoit le calendrier initial dans l’accord de Paris;
- chaque année, une réunion ministérielle se penchera sur l’état des avancées;
v les pays industrialisés sont exhortés à au moins doubler d’ici à 2025 leur financement climatique vers les pays pauvres pour les aider à faire face aux impacts des déréglements climatiques (pour pouvoir atteindre d’ici 2 ans la promesse des 100 Mds $ annuels prévus comme objectif à l’horizon 2020, mais non réalisés) (2).
Un exercice plus ou moins chaotique de gouvernance mondiale
Réunir 200 États n’est certes pas chose aisée et c’est encore plus difficile d’amener tous les participants à une vision holistique, où chacun prend aussi en considération l’intérêt de la planète tout entière et comprend qu’il s’agit plus d’agir dans cet esprit que de défendre son pré carré. Ainsi, on a vu l’Inde intervenir en toute dernière minute pour édulcorer un engagement important à propos des centrales électriques au charbon (non équipées d’un dispositif de capture du CO2) et des subventions "inefficaces" accordées au pétrole et au gaz. Remplacer "élimination progressive" par "réduction progressive" ne fait qu’affaiblir et donne l’impression qu’il y en aurait encore dans un siècle. L’amendement, soutenu par la Chine, l’Afrique du Sud et l’Iran, a finalement été entériné. Il ne représentait toutefois que 4 participants sur 200, mais aussi une population de 2,866 mds d’habitants, soit 37,5 % de la population mondiale.
Mais l’existence même de cette enceinte est à considérer comme un stimulant pour d’autres initiatives, réalisant ainsi une convergence positive, par exemple:
v la surprise, le 10 novembre, à Glasgow, pendant la Conférence, de l’annonce d’un accord bilatéral USA - Chine, destiné à renforcer l’action climatique. On y retrouve notamment l’annonce de mesures pour réduire les émissions de méthane (ce que la Chine avait refusé jusqu’à présent), pour lutter contre la déforestation et pour définir des normes environnementales réglementaires (3);
v en dehors du cadre intergouvernemental, on peut prendre l’exemple de l’IATA (International Air Transport Association), qui réunit les leaders des plus grandes compagnies aériennes du monde et a tenu son assemblée générale à Boston le 4 octobre dernier (4). Alors que le nombre de passagers dans le ciel va selon eux plus que doubler d’ici 2050, les membres de l’IATA se sont engagés à atteindre "zéro émission nette de CO2" durant la même période, et ce par les 3 moyens suivants:
# à concurrence de 65 % de l’objectif, le développement et l’utilisation du fuel durable, qui émet 80 % en moins que le kérosène classique et relève d’une technologie connue évitant de devoir changer toutes les flottes et infrastructures;
# à concurrence de 19 %, les compensations, la capture et le stockage de carbone;
# à concurrence de 13 %, les technologies du futur (y compris celles des avions électriques ou à hydrogène, Airbus promettant la sortie du premier avion de ce dernier type pour 2035).
Ces données sont intéressantes par rapport à l’avion-bashing ambiante, qui ne peut que nuire au développement de nos exportations et dès lors de l’activité, de l’emploi et de l’innovation en Wallonie. Autant il convient de développer les circuits courts et de diversifier nos sources d’approvisionnement en prenant la proximité positivement en compte, autant il ne faut pas jeter l’enfant avec l’eau du bain, mais faciliter l’ouverture de nos entreprises au monde et leur accès - physique aussi - à leurs clients et partenaires, existants comme potentiels.
Et la Belgique et la Wallonie à Glasgow?
La Wallonie s’est en tout cas présentée positivement en y annonçant que, comme l’Écosse, elle dédiait un million d'Euros à l’assistance aux victimes de la crise climatique en termes de réparation des "pertes et préjudices irréversibles". Et ce n’est pas à cause d’elle que n’a pu être atteint un consensus intrabelge sur la répartition entre les différentes entités (fédéral et régions) des efforts pour réduire nos émissions de CO2. Là, on doit bien constater les similitudes de scénario, en l’occurrence que c’est chaque fois la Flandre, dans les matières gérées par ses ministres N-VA, qui:
v affiche de longue date sa réticence au paquet législatif européen "Fit for 55" (réduction de gaz à effet de serre), auquel pourtant les deux autres Régions et le pouvoir fédéral se sont montrés pour leur part favorables (5);
v n’est pas parvenue à rejoindre, à Glasgow, le consensus existant entre les autres composantes belges;
v contrarie la sortie prévue du nucléaire en Belgique par un refus de permis pour des centrales à gaz devant assurer la brève transition entre l’abandon du nucléaire et le tout au renouvelable (6).
Des avis ont été récemment exprimés pour réclamer une hiérarchie des normes et une primauté du fédéral. On ne remerciera pas ceux qui ont été le déclic à de telles réactions, qui remettent en cause un des principes de base de notre construction fédérale, en l’occurrence l’égalité des pouvoirs, notamment en force décisionnelle. Ce serait là aller beaucoup trop loin car il est logique, en termes d’architecture institutionnelle, d’éviter, par le biais de l’international, que les entités fédérées ne voient certaines de leurs compétences amoindries ou reprises. Cette seule justification devrait faire réfléchir les uns et les autres et inciter à la modération et au respect mutuel, valeurs efficaces face au risque de baffe diplomatique.
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(1) AFP, publié le 13 novembre 2021 et mis à jour le 14 novembre, 10:50, « Les 200 pays de la COP26 adoptent le Pacte de Glasgow pour le Climat »
(2) De Standaard, Dominique Minten, Bikkelen over geld, steenkool en heldere regels, 13 - 14 novembre 2021, p. 4; La Libre Belgique, Gilles Toussaint, Les éléments clefs du Pacte climatique de Glasgow, 15 novembre 2021, p. 4
(3) La Libre Belgique, 12 novembre 2011, p. 18
(4) Ibid., 6 octobre 2021, p. 24
(5) L’Écho, Peter Wittoeck, 30 octobre 2021, p. 22
(6) De Standaard, Hendrik Schoukens, Kafka in het Vlaamse stikstofmoeras, 13 - 14 novembre 2021, p. 54.
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