Étant consul honoraire de Lituanie en Wallonie, j’ai bien en tête que, comme l’Ukraine, ce pays a proclamé son indépendance dans le cadre du processus de dissolution de l’URSS, finalisé en décembre 1991: la Lituanie l’a fait la première parmi les membres de l’URSS, le 11 mars 1990, l’Ukraine le faisant le 24 août 1991. À la différence de l’Ukraine, la Lituanie est devenue membre de l’OTAN en 2004 et de l’Union Européenne en 2007. La comparaison avec l’Ukraine doit incorporer à tout le moins les deux éléments suivants:
- concernant l’OTAN, sans que le pays en fasse déjà partie, la Constitution ukrainienne indique depuis 2019 que l’adhésion constitue un objectif stratégique de la politique étrangère et de sécurité du pays. Le processus n’a pas encore été finalisé du côté de l’OTAN;
- pour l’UE, on ne peut ignorer la déclaration engageante de la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, au Parlement Européen: "Personne dans cet hémicycle ne peut douter du fait qu’un peuple qui lutte si courageusement pour nos valeurs européennes a sa place dans notre famille européenne". Elle avait déjà répondu à Euronews le 27 février: "Il y a un sentiment d’appartenance, il fait partie de nous et nous voulons qu’ils nous rejoignent".
Le 1er Mars, le Parlement Européen adoptait à 637 voix pour, 13 contre et 26 abstentions une résolution soutenant la perspective d’une adhésion de l’Ukraine. Les discussions sont déjà en cours afin de savoir comment tenir compte à la fois de l’urgence quant à la concrétisation des valeurs européennes (éviter la lourdeur classique des autres procédures d’adhésion) et du caractère de symbole sans pénaliser les autres candidatures en cours.
La Lituanie vient tout récemment de confirmer cette proximité historique et politique en saisissant le Procureur de la Cour Pénale Internationale pour enquêter sur les actes perpétrés à la fois par la Russie et la Biélorussie en Ukraine, au regard notamment du droit international humanitaire (1).
On sait que l’invasion de troupes russes en Ukraine touche aussi les populations civiles, viole les fondements du droit international relatifs à l’inviolabilité, l’intangibilité et la stabilité des frontières et est motivée par un objectif dit de "dénazification", appellation impropre vis-à-vis d’un pays qui a déjà dû résister à la Russie pour bâtir sa démocratie. Ces actes s’inscrivent dans la volonté d’une sorte de rétropédalage historique vers, sinon l’"empire russe" de 1914, du moins le territoire de la défunte URSS:
- occupation militaire et annexion de la Crimée voici 8 ans;
- appui à la constitution de républiques russophones autoproclamées en 2014 dans l’Est de l’Ukraine (Donetsk et Lougansk), avec reconnaissance de leur indépendance le 21 février 2022.
Ce processus présente pas mal de similitudes avec l’amputation de parties du territoire d’autres anciennes républiques soviétiques, en l’occurrence la Moldavie (Transnistrie) et la Géorgie (Abkhazie et Ossétie du Sud).
Alors que la situation en Ukraine prend des contours de plus en plus dramatiques, il est urgent de trouver ou d’inventer une formule, un système ou des règles qui auraient un effet préventif par rapport à des recours à la force plutôt qu’à la négociation et qui pourraient être utilisés pour éteindre une occupation forcée. C’est là que le fédéralisme peut nous aider en organisant le droit à l’autonomie culturelle comme point d’équilibre avec l’intangibilité des frontières étatiques: il s’agirait de modaliser le droit à l’autonomie en matière d’éducation et de culture aux territoires où apparaîtraient comme majoritaires des groupes linguistiques et/ou culturels minoritaires au niveau stato-national. Cette autonomie s’exercerait sans tutelle centrale dans les matières déléguées, qui pourraient comprendre d’autres matières valorisant la spécificité du territoire visé en termes de développement. Il vaut mieux construire à l’intérieur que se faire envahir de l’extérieur.
Par rapport à la situation en Ukraine, ces deux points sont inséparables: droit à l’autonomie culturelle et éducative / inviolabilité et intangibilité des frontières étatiques. Pourraient y être ajoutés:
- la restauration de l’intégrité et de l’unicité territoriales du pays, sans présence de troupes étrangères
- le respect et la mise en œuvre d’un processus accéléré d’adhésion à l’Union Européenne, avec à court terme la qualification de membre adhérent (acceding country), un engagement à tenir compte de sa situation de guerre dans l’examen des critères d’adhésion et un statut d’observateur dans différentes instances
- la neutralité de l’Ukraine et la non-intervention directe ou indirecte d’organisations et pays étrangers sur son territoire ou dans sa politique de défense.
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(1) « Le Gouvernement russe doit assumer la responsabilité de ses actes », La Libre Belgique, 2 mars 2022, p.5.
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