Le premier tour des élections présidentielles françaises, tenu ce 10 avril, suscite une foule d'analyses comme de commentaires et je n'ai pas la prétention d'en établir une synthèse. Certes, se limitant à un choix entre 12 candidats, la procédure induisait immanquablement, au niveau du jugement de l'électeur, une grande importance à son ressenti de la personnalité des candidats, ce dans une certaine mesure au détriment de l'examen de leur programme. Il y a sans doute là une partie de l'explication quant aux faibles scores obtenus par les candidats de partis non extrêmes dits historiques ou traditionnels, en l'occurrence les Républicains, Europe écologie - les Verts et le Parti Socialiste.
Le principal risque d'une telle situation est surtout de voir accéder au sommet de l'État une personnalité d'un abord rassurant et maternel, cachant ses aspérités programmatiques afin de faire oublier que son parti politique extrême ne respecte pas des valeurs de dignité humaine et de solidarité. Il est dès lors essentiel que la campagne du premier tour chasse l'imposture en organisant la pédagogie médiatique quant au programme de ladite formation et aux risques qu'il présente au regard notamment de la devise française Liberté, Égalité, Fraternité (1). Le risque qui vient d'être évoqué ne peut être neutre pour la Wallonie, dont la relation avec la France est beaucoup plus qu'un simple voisinage. On sait que la présence de l'extrême droite n'est pas du tout comparable d'un versant à l'autre de la frontière.
Plusieurs éléments indiquent que le risque en question présente moins de pertinence en Wallonie (ce qui ne veut toutefois pas dire qu'il soit inexistant):
v le fait que la Belgique soit un royaume nous évite de toute façon des élections du même type;
v le caractère obligatoire du vote, qui indique bien au citoyen qu'il est acteur de la démocratie et que c'est l'affaire de tous. C'est une invitation à tous de se documenter sur les grands enjeux et les politiques proposées. C'est aussi une invitation aux forces politiques d'échanger en permanence avec les citoyens et de présenter de manière didactique les options qu'elles ont ainsi prises (2);
v la forte dimension de représentation proportionnelle qui caractérise nos scrutins donne à l'électeur un degré assez élevé de probabilité que son vote se concrétise par une présence d'un représentant du parti de son choix au sein du pouvoir législatif. Elle renforce une culture de pluralité et une pratique obligée de la négociation et de la coalition.
Il n'empêche que la vigilance s'impose et que des pistes sont à suivre pour éviter des affaiblissements de la démocratie et des libertés:
> veiller à ce que l'électeur dispose de suffisamment d'éléments pour pouvoir faire son choix (imposer la présentation par chaque parti de ses priorités pour la législature, avec quantification des mesures à prendre pour les concrétiser budgétairement; faire établir par une évaluation externe la situation de réalisation à la mi-législature et à sa fin);
> renforcer la participation citoyenne (référendums d'initiative citoyenne, association de citoyens aux procédures parlementaires,...);
> installer la procédure de méfiance constructive dans toute assemblée;
> lever le brouillard de complexité qui masque parfois les contours et pouvoirs des États en Belgique, le fédéral comme les fédérés (blocs homogènes de compétences, pouvoir résiduel aux États fédérés).
Une telle vigilance ne pourra qu'être salutaire à la Wallonie.
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(1) Dans un récent petit ouvrage, Edgar MORIN rappelle que le désastre militaire de 1940 avait permis le triomphe de la France réactionnaire dans la défaite nationale avec l'accession du Maréchal Pétain au pouvoir: "Travail, Famille, Patrie" remplaça "Liberté, Égalité, Fraternité". Réveillons-nous, Denoël, 2022
(2) La Flandre a décrété, au niveau régional, que ces élections ne seraient plus obligatoires, avec une argumentation basée notamment sur le fait qu'autoriser de ne pas voter respectait la liberté de ceux qui voulaient exprimer leur désaccord avec l'ensemble des forces politiques (cf Le Vif, Abrogation du vote obligatoire, pourquoi la Flandre a raison, carte blanche de Arnaud DEVOS et Laurent COSTAS, 03/10/19, 10:26).
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