> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Le marché du travail en Wallonie en 2021 : partie 1
2022-13 - Namur, le 25 avril 2022. > [pdf]
De nombreuses sources (comptes régionaux, Bureau fédéral du plan, FOREM, ONEM, ONSS, enquête sur les forces de travail) mesurent les principaux agrégats du marché du travail (emploi, chômage…), sans qu’une harmonisation entre elles puisse se faire, ce qui complique l’analyse du marché du travail.
La plus complète des sources citées est l’enquête sur les forces de travail (EFT) qui consiste, comme son nom l’indique, en une enquête (sondage) menée tous les trimestres auprès de la population belge. Elle présente le grand avantage de couvrir, de manière cohérente, tous les aspects du marché du travail, et avec beaucoup de détails.
L’EFT souffre cependant des défauts de tout sondage échantillonné, à savoir que les résultats ne sont pas des données factuelles exactes mais qu’ils se situent dans un intervalle de confiance, que les variations de trimestre en trimestre peuvent être importantes et sont donc à considérer avec précaution et que, enfin, les résultats sont publiés avec beaucoup de retard, environ trois mois après le trimestre considéré. Les enquêtes sont aussi sujettes à des révisions méthodologiques relativement fréquentes, rendant fragiles les comparaisons dans le temps. Une profonde révision de l’enquête a, par exemple, eu lieu en 2017. De même, à partir de 2021, les chômeurs temporaires de plus de 3 mois ont été affectés différemment entre actifs, chômeurs et inactifs.
Malgré ses faiblesses, la méthodologie de l’enquête a été considérée par Eurostat (l’institut européen de statistiques) comme la plus solide pour appréhender le marché du travail. Cette enquête a donc été imposée à tous les Etats-membres, permettant une comparaison entre les pays et les régions.
Avant d’analyser les résultats de l’EFT pour 2021, qui ont été publiés à la fin du mois mars, précisons à nouveau quelques concepts du marché du travail. La population en âge de travailler est constituée de la population âgée de 20 à 64 ans (1). Au sein de cette population, les actifs regroupent les personnes qui occupent un emploi. Les chômeurs se caractérisent évidemment par le fait qu’ils n’ont pas d’emploi mais, très important, ne sont considérés comme chômeurs par l’enquête, que les personnes sans emploi qui répondent à trois conditions : ne pas avoir travaillé dans la semaine qui précède le sondage, chercher un emploi et être en position de l’accepter immédiatement. Enfin sont considérés comme inactifs ceux et celles qui n’ont pas d’emploi et qui n’en cherchent pas un, pour l’une ou l’autre raison.
Avant de commenter plus en profondeur l’année 2021, on peut constater à la lecture du tableau 1 que, en 2020, la crise sanitaire n’a eu pratiquement aucun effet sur les trois principaux agrégats du marché de travail. Par rapport à 2019, l’emploi n'a qu'à peine diminué (-0,1%), le chômage a légèrement augmenté (+1%) et la population inactive n’a pratiquement pas bougé. Clairement, les mesures prises par le Gouvernement pour prévenir les faillites et l’augmentation du chômage ont montré une grande efficacité.
Comment a évolué le marché de l’emploi en Wallonie en 2021, deuxième année de la crise sanitaire? Le tableau 1 ci-dessous montre d’emblée le fait paradoxal qui a caractérisé l’année 2021. Alors que l’emploi augmente de 1%, le chômage connaît une augmentation sensible de 23%. Le bon sens voudrait pourtant que si l’emploi augmente le chômage diminue. C’est sans compter sur les mouvements de la population inactive. En 2021, nombre d’inactifs ont décidé de revenir sur le marché du travail. Soit ils ont trouvé du travail (faisant concurrence aux chômeurs), soit ils se sont devenus chômeurs, c’est-à-dire sans travail mais à la recherche active d’un emploi (2).
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf> référencé sous le titre de la chronique.
Même si cela paraît un peu contre-intuitif, le retour d’une partie de la population inactive sur le marché du travail est une bonne nouvelle. En effet, les objectifs de taux d’emploi ne pourront être atteints que si une bonne partie des inactifs souhaite travailler ou retravailler. A condition évidemment que, à terme, ces personnes trouvent un emploi.
Des emplois, il y en a pour le moment, comme en témoignent le nombre d’emplois vacants et les filières en pénurie de main d’œuvre. On en revient donc au principal défi de l’économie wallonne auquel les autorités publiques doivent faire face : accroître sensiblement la fluidité du marché du travail wallon, à savoir que l’offre de travail rencontre la demande de travail, ainsi qu’améliorer les réseaux de formation pour que les demandeurs d’emploi possèdent les compétences requises par les employeurs. Ces deux objectifs doivent être la priorité absolue du Gouvernement wallon et des organismes, comme le FOREM, en charge de la réinsertion des chômeurs dans le monde du travail.
Les différents taux – d’emploi, de chômage, d’inactivité – reflètent les différentes évolutions qui viennent d’être détaillées.
Le taux d’emploi, stable en 2020 malgré la pandémie, a progressé en 2021 jusque 65,2%, taux jamais atteint en Wallonie. Cependant, la progression du taux d’emploi n’a pas bénéficié au chômage dont le taux est monté à 8,6%, en forte augmentation par rapport à 2020. Ce paradoxe est expliqué par la forte diminution du taux d’inactivité qui passe de 30,4% à 28,7%.
Ces différentes tendances – hausse du taux d’emploi, hausse du taux de chômage, baisse du taux d’inactivité – s’observent aussi en Flandre (cfr Tableau 3). Cependant, fait préoccupant, le chômage augmente nettement moins en Flandre qu’en Wallonie. Il diminue même légèrement dans la zone euro. Cette hausse du taux de chômage concomitante avec la hausse du taux d’emploi témoigne de l’inertie du marché du travail wallon. En revanche, le différentiel entre le taux d’emploi wallon et celui de la Flandre et de la zone euro diminue légèrement, ce qui est bon signe, mais encore trop lentement.
Une analyse des taux d’emploi, de chômage et d’inactivité par genre et par classe d’âge, qui sera développée dans la prochaine chronique, présente des situations tout à fait différentes selon l’âge et le genre et mettra donc en lumière toute la complexité à laquelle les autorités doivent faire face pour augmenter le taux d’emploi et réduire le chômage.
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(1) Certaines institutions prennent la population entre 15 et 64 ans. Pour un pays comme la Belgique où l’âge obligatoire de scolarité est de 18 ans, la population entre 20 et 64 reflète mieux la population en âge de travailler.
(2) Comme il a été déjà mentionné, il y a eu une révision de l’affectation des chômeurs temporaires de plus de 3 mois. La comparaison entre 2020 et 2021 est donc quelque peu faussée. Mais la révision n’inverse pas les tendances observées, elle les atténue. Sans la révision, l’emploi aurait augmenté sensiblement, davantage, l’augmentation du chômage aurait été un peu moins importante, et la population inactive aurait baissé plus significativement.
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