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Le mot "compromis" ne manque pas de contradictions dans ses définitions selon qu’il est pris comme participe ou substantif:
- comme participe du verbe "compromettre", qui lui donne, entre autres, la signification de "mis dans une situation critique et exposé au jugement d’autrui". La phrase citée dans le Petit Robert pour "se compromettre" est "il s’est compromis dans une sale affaire". Par extension, le participe signifie aussi "mis en péril" ("L’affaire semble compromise"). Et la "compromission" devient ainsi "l’acte par lequel on transige avec sa conscience" ("Il est prêt à toutes les compromissions pour réussir");
- comme substantif, le mot "compromis" évoque le recours à l’arbitrage d’un tiers, mais aussi "l’arrangement dans lequel on se fait des concessions mutuelles" (toujours Petit Robert). Trouver un compromis revient ainsi à trouver "un terrain d’entente". Comme on le voit, le "compromis" contient ainsi une nuance positive, ce qui n’empêche pas son usage assez modéré dans le monde politique, en raison sans doute de sa ressemblance formelle, mais certainement pas sur le fond, avec le mot "compromission", mais peut-être aussi parce qu’il ne serait pas jugé bon de donner l’impression qu’on n’a pas obtenu tout ce que l’on réclamait.
Bien entendu, un tel trouble apparaît principalement dans les pays à démocratie de coalition, comme le nôtre. Un tel système, l’un des plus respectueux de la diversité politique, ne peut que concrétiser le mot honorable de "compromis", qui n’admet que difficilement la surenchère et les démonstrations de musculation pratiquées avant les négociations. Par contre, son bon usage intègre les explications de la décision prise par chaque composante politique y ayant participé, en mettant l’accent sur les points obtenus, mais aussi sur ce qui a dû être concédé.
L’exemple allemand
L’Allemagne fédérale nous en offre un bon exemple (d’efficience dans la gouvernance) en permettant au journal Le Monde de titrer: "En Allemagne, une culture du compromis utile par temps troublé" et de sous-titrer: "En renonçant à certaines de leurs "vaches sacrées", les trois partis de la coalition d’Olaf Scholz ont fait preuve d’un indéniable pragmatisme" (*). Même s’il est admis que l’invasion de l’Ukraine et ses conséquences ne sont pas étrangères à cette situation, les renoncements sont substantiels et bien différenciés pour chacune des trois composantes de la majorité gouvernementale:
- les Sociaux-Démocrates, héritiers de l’Ostpolitik du Chancelier Willy Brandt, ont coupé les ponts avec Moscou et suspendu la mise en œuvre du gazoduc Nord Stream 2 qu’ils avaient promu;
- les Verts ont accepté la réouverture des centrales à charbon et la prolongation de deux centrales nucléaires, ainsi que la construction de terminaux d’importation de gaz naturel liquéfié et le report d’un an pour l’augmentation de la taxe carbone;
- les Libéraux-Démocrates du FDP ont bien dû, en raison des trois plans de soutien au pouvoir d’achat, reconnaître que l’on pourrait bien suspendre de nouveau ce qui constituait l’un de leurs chevaux de bataille, en l’occurrence le "frein à la dette" en 2023.
Élément important pour leurs populations, les trois composantes de la coalition ont ainsi démontré qu’ils étaient capables de gouverner ensemble. En Allemagne comme en Belgique et en Wallonie, pour obtenir la confiance du Parlement autant que de la population, il est important de ne pas semer le doute sur l’aptitude des partenaires (ou de l’un ou l’autre partenaire) à se concentrer sur la recherche de solutions plutôt que sur la revendication et l’attaque publiques. Sans négliger l’importante phase explicative des décisions prises et de leur rencontre des besoins citoyens.
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(*) Le Monde, Thomas Wieder, 14 septembre 2022, p. 33.
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