La disparité de développement dans le monde s’intensifie et devient d’autant plus criante que l’information sur le sujet est de mieux en mieux disponible et multiplie les illustrations.
Ainsi, dans une fiche de synthèse datée du 12 novembre 2021 (1), l’O.I.T. notait un rapport de 190/1 entre le PIB annuel par habitant du pays le plus riche et celui du pays le plus pauvre.
Autre indicateur, l’espérance de vie: les chiffres de l’O.M.S. pour 2018 (2) vont de 84 années pour le Japon à 52 années pour la Centrafrique.
En 1960, les deux extrêmes étaient respectivement de 67 et 36 années. À l’échelle mondiale, l’espérance de vie était de 72 ans en 2017, venant de 52 ans en 1960.
Un indice composite a été mis en œuvre progressivement dans le cadre du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), l’IDH - indice de développement humain - et se calcule par la moyenne de trois indices quantifiant respectivement:
- la santé / longévité (espérance de vie à la naissance);
- le savoir ou niveau d’éducation (durée moyenne de scolarisation pour les adultes de plus de 25 ans et durée attendue de scolarisation);
- le niveau de vie (logarithme du revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat).
Les indices par pays se situent sur une échelle allant de 0,000 à 1,000. Le dernier rapport 2021/2022 va d’un indice de 0,962 (1ère place pour la Suisse) à un indice de 0,385 pour le Soudan du Sud (191ème et dernière place) (3). Sur cette base, ledit rapport du PNUD note que, pour la première fois depuis 32 ans, l’indice de développement humain a diminué mondialement pendant deux années consécutives (2020 - 2021) , retombant à ses niveaux de 2016:
- plus de 90 % des pays ont connu cette baisse;
- plus de 40 % d’entre eux ont vu leur score véritablement chuter (particulièrement en Afrique Subsaharienne, en Amérique Latine, dans les Caraïbes et en Asie du Sud).
On note à cet égard l’impact dévastateur de la COVID, de la guerre en Ukraine et "la façon dont l’insécurité et la polarisation s’alimentent mutuellement pour entraver la solidarité et l’action collective". De manière générale, le PNUD considère que "le monde est incapable de s’attaquer à l’origine des problèmes auxquels nous sommes confrontés" (4). Il faut donc se rappeler que le soutien au développement des pays dits du Sud constitue un devoir moral, rendu encore plus pertinent en Belgique par le passé colonial et la responsabilité dans la pauvreté des pays concernés. Comme l’indique le SPF Affaires Étrangères, le Sud doit faire face à de nombreux enjeux qui ont des répercussions chez nous, par exemple en matière de migration, de pollution, de sécurité et de changement climatique (5).
L’aide publique au développement (APD)
L’aide publique fournie par les pays donateurs (aide publique au développement) représente une part minoritaire de ce que l’on appelle la "finance pour le développement", qui englobe l’ensemble des financements publics et privés, nationaux et internationaux, disponibles pour les pays en développement (par exemple les investissements privés, les actions des fondations et des ONG, les transferts financiers des citoyens expatriés aux familles restées aux pays, etc...). Ladite finance pour le développement, avec toute sa diversité, est estimée à plus de 10.000 milliards $ par an (6). On y retrouve l’aide publique au développement (APD), qui représente "l’aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement" (7).
Cette APD représentait, pour l’année 2021 et pour les États membres du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE, un montant total de 185,9 milliards $, ce qui équivaut à 0,33 % du revenu national brut (RNB) combiné des membres du CAD (8).
Cette aide publique au développement a fait l’objet, historiquement, d’engagements pris par les pays développés de lui faire atteindre au moins 0,7 % de leur RNB (revenu national brut). Le point de départ au niveau multilatéral a été l’adoption, le 24 octobre 1970, par l’Assemblée Générale des Nations Unies d’une résolution indiquant que "chaque pays économiquement avancé accroîtra progressivement son aide officielle au développement des pays en voie de développement et s’efforcera particulièrement d’atteindre, au milieu de la décennie au plus tard, un montant minimum en valeur nette de 0,7 % de son produit national brut aux prix du marché". L’objectif n’a pas été atteint et a fait l’objet de reports, notamment à l’occasion de la Conférence Internationale de Monterrey sur le financement du développement (18-22 mars 2002) et, au niveau européen, du Conseil des Ministres des Affaires Étrangères européens du 26 mai 2015, qui a repoussé à 2030 l’atteinte de l’objectif "0,7 %".
Et la Belgique?
La Belgique ne fait pas partie des champions dans la progression vers les 0,7 % de son RNB, ce qui pose un problème moral quant à l’atteinte de l’objectif au terme prévu. Ainsi, les chiffres relatifs à l’année 2021 indiquent que 5 pays atteignent à cette occasion déjà l’objectif: le Luxembourg (qui flirte avec le 1 %), la Norvège, la Suède, l’Allemagne et le Danemark. La Belgique occupe la 11ème place parmi les membres du CAD de l’OCDE avec un taux de 0,46 % de son RNB, qui la situe au-dessus de la moyenne des donneurs du CAD (0,33 %). Il est résulté du récent conclave budgétaire que le budget de l’aide belge au développement augmenterait de 20 Mios € en 2023 et en 2024, soit une croissance en volume d’un peu moins d’un % /an, trop faible vraisemblablement pour hausser le rapport au RNB d’un centième de pour cent. On est ainsi loin de la trajectoire de croissance linéaire et contraignante espérée par le CNCD dans le cadre de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies (9), alors que le pouvoir fédéral a sans cesse revendiqué en termes institutionnels la plénitude de ses compétences en matière de coopération au développement.
Il faut donc sortir de l’impasse et aménager l’exception "coopération au développement" qui dépasserait le cadre de la législature en cours et qui prendrait la forme d’une conférence inter-pouvoirs actant la programmation 2024-2034 des engagements budgétaires annuels pris par l’État central, les entités fédérées et les pouvoirs locaux en termes d’APD.
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(1) Organisation Internationale du Travail, Évolution des inégalités entre les pays, 12 novembre 2021
(2) en 2017 si 2018 pas disponible
(3) Alerte sur le développement humain: 9 pays sur 10 en recul, Nations Unies, Actualités, https://unric.org
(4) Ibid.
(5) Le chiffre de septembre 2022: 2,19 milliards d’euros consacrés à l’aide publique au développement en 2021, diplomatie.belgium
(6) Cf. AFD (Agence Française de Développement), 8 choses à savoir sur l’aide publique au développement, 6: L’aide publique n’est qu’une part de la finance pour le développement, 11 avril 2019
(7) Définition du CAD (Comité d’Aide au Développement) de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique)
(8) Les 31 membres du CAD à ce jour sont 21 membres de l’UE (dont la Belgique), l’Australie, le Canada, la Corée, les États-Unis, l’Islande, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse et l’UE. La Lituanie est le "dernier entré" (16 novembre 2022)
(9) Aide belge au développement: 0,7 % du PIB, c’est maintenant, Arnaud ZACHARIE, Secrétaire Général du Centre National de Coopération au Développement (CNCD-11.11.11), La Libre Belgique, 4 octobre 2022, pp. 32-33.
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