"Je pense depuis longtemps que l’opportunité de réformer dans le respect du légalisme est passée. Comme à différentes époques de notre histoire nationale, vous irez vers une réforme extra-légale." (1) (2)
Lorsqu’une telle chose est dite par le président du parti comptant le plus de sièges à la Chambre fédérale, on peut s’inquiéter au niveau des valeurs universelles, en particulier l’état de droit et la démocratie.
L’état de droit, selon le Larousse, constitue "l’État dans lequel les pouvoirs publics sont effectivement soumis au respect de la légalité par voie de contrôle juridictionnel".
Il fait partie des valeurs fondamentales de l’Union Européenne et peut se définir aussi comme "la prédominance du droit sur le pouvoir politique dans un État", ce "qui suppose que la loi soit respectée à la fois par les gouvernants et les gouvernés" (3). Le Traité sur l’Union Européenne va au-delà de la simple proclamation puisqu’il prévoit pour la protection des valeurs européennes, notamment l’état de droit, une procédure comprenant deux mécanismes, d’abord des mesures préventives en cas de risque clair de violation des valeurs européennes et ensuite des sanctions une fois que la violation aurait été commise (4).
D’autre part, un règlement européen de 2020 organise un régime général de conditionalité pour la protection du budget de l’Union en cas de violations de l’état de droit y portant atteinte (5). En outre, l’état de droit, comme principe fondamental de l’Union Européenne, fait partie des conditions à remplir, dans le cadre de la politique d’élargissement, pour pouvoir devenir membre de celle-ci (6).
On voit bien ainsi que l’état de droit constitue une valeur de nos démocraties et de notre société et que l’idée d’une réforme extra-légale n’y correspond pas du tout et ne contribue certainement pas au renforcement de la crédibilité de la Belgique dans sa défense des valeurs universelles.
L’organisation institutionnelle de la Belgique, basée sur le fédéralisme et dès lors la coopération entre composantes fédérées, ne permet pas une action unilatérale d’une seule desdites composantes pour pouvoir la modifier. Cela ne peut se faire que dans le cadre de la Constitution et, le cas échéant, d’une loi prise à la majorité spéciale. On voit ainsi que la mauvaise idée de la voie extra-légale est en plus inamicale vis-à-vis des autres pouvoirs fédérés.
Il est donc impérieux d’oublier et de fermer cette voie de la réforme extra-légale, qui ne constitue en rien un moyen de chantage efficace vu l’impossibilité de sa réalisation. Et pour pouvoir préparer et réussir une négociation gouvernementale, il ne faut ni offenser de potentiels futurs partenaires, ni susciter la méfiance en oubliant l’état de droit.
______________________________
(1) 29 janvier 2023
(2) « Ik denk al langer dat de opportuniteit om in het legalisme te hervormen, weg is. Zoals op verschillende momenten in onze vaderlandse geschiedenis zal je naar een extralegale hervorming gaan. »
(3) Article 2 du Traité sur l’Union Européenne
(4) « L’état de droit est une valeur des États européens et de l’Union Européenne », entretien avec Sébastien PLATON, Professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, touteleurope.eu
(5) Article 7 du Traité sur l’Union Européenne
(6) Règlement 2020/2092 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2020
(7) Article 49 du Traité sur l’Union Européenne
> Partagez cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr