> Tribune de Philippe Suinen

 

v  L'esprit entrepreneurial

Namur, le 26 février 2023.

La Meuse, axe économique vital, Liège, juin 2021.
© Paul Delforge/Institut Destrée

L’actualité politique belge n’est pas avare de proclamations et d’attitudes dédaigneuses ou plus simplement négatives vis-à-vis de la Wallonie, voire d’interprétations pouvant être comprises comme allant dans le même sens de la part de personnalités wallonnes.

 

Comme le respect de l’entreprise en Wallonie a parfois constitué le point majeur de critique de la part de ces détracteurs, visant particulièrement le PS, l’occasion était belle de voir quel était le degré d’"ondernemerziel" (esprit entrepreneurial) de Paul MAGNETTE, Président du Parti Socialiste, interviewé sur ce thème le 13 février par le VOKA West-Vlaanderen (1) (2). Une des lignes soutenant les réponses est incontestablement le respect de l’entreprise. 

 

On peut penser aux exemples suivants:

 

(1) En début d’entretien, l’affirmation volontariste de l’intéressé ("Nous pouvons accueillir à bras ouverts les entrepreneurs et investisseurs flamands, il y a encore suffisamment de place chez nous").

 

(2) À la question de savoir s’il faut donner plus de priorité à la compétitivité des entreprises qu’au pouvoir d’achat des gens (3), la réponse est moins manichéenne que la question puisqu’elle établit une liaison entre les deux notions: donner un soutien supplémentaire au pouvoir d’achat des familles reste la priorité absolue du PS, sachant toutefois que le maintien du pouvoir d’achat n’est pas seulement important sur le plan social, mais aussi sur le plan de notre économie vu l’effet négatif qu’aurait pour celle-ci la baisse de la demande intérieure. On en comprend qu’il faut bien sûr veiller à la compétitivité, mais qu’actuellement la protection du pouvoir d’achat est la priorité. Les formulations ne négligent donc pas la prise en compte des besoins des entreprises

 

(3) À une deuxième question portant sur l’ancrage belge en matière de politique énergétique, notamment de prix de l’énergie, la réponse a considéré que le retrait de l’État au cours des trois dernières décennies, illustré par la cession à l’étranger de grandes banques et entreprises énergétiques, n’a pas eu lieu à l’avantage de l’économie belge. La conclusion est dès lors que l’autorité publique (overheid) doit reprendre son rôle dans l’économie, ce qui constitue un must pour rendre possible la transition climatique. Certes, la question ne portait pas directement sur les entreprises, la réponse non plus, il est toutefois bien clair que ladite transition ne peut être réalisable sans les acteurs publics.

 

(4) Dans sa réponse à une question ouverte en matière de réforme fiscale, le Président du PS confirme la priorité qu’il donne à l’augmentation, suite à une réforme fiscale, des bas et moyens salaires (cf le point 1 supra) et évoque l’idée d’imposer l’actif net (à l’exception de la propre maison et de la propre entreprise) des très riches. Un taux de 1,5 % est cité et n’est pas considéré par son auteur comme une proposition radicale, compte tenu des aides significatives données aux entreprises durant la crise "Corona" et des difficultés encore connues par beaucoup de familles. Il en va de même avec une imposition de la plus-value sur actions.

 

Pour conclure

 

En tout état de cause, on ne peut pas considérer ces propositions comme radicales et encore moins "communistes". Elles traduisent un équilibre basé sur les thèmes du progrès social, du respect et de la stimulation de l’entrepreneuriat ainsi que de la relance et de la compétitivité. Bref, on ne peut pas dire que le Président du PS manque d’ "ondernemerziel" et qu’il fait preuve d’un radicalisme l’excluant des tables de négociations. En termes d’analyse politique, prétendre qu’il y a un bloc homogène de gauche avec le PTB relèverait de la contre-vérité, compte tenu des énormes différences entre eux, encore accentuées par la guerre menée par la Russie en Ukraine (4).

 

On retirera aussi de cette interview l’affirmation de Paul MAGNETTE que, pour oser se lancer comme entrepreneurs, les Wallons sont peut-être plus modestes que les Flamands. Sans faire de comparaisons, on ne peut que souhaiter que les Wallons, avec leurs entreprises et leurs projets d’entreprises, quittent la modestie pour passer au stade de l’audace et de l’extraversion: montrer et se montrer (5). 

_____________________________

(1) Le VOKA (Vlaams Netwerk van Ondernemingen) est l’organisation patronale flamande, dont l’homologue wallon est l’UWE (Union Wallonne des Entreprises)

(2) https://www.made-in.be/west-vlaanderen/voka-west-vlaanderen-peilt-naar-de-ondernemerziel-van-paul-magnette

(3) « Volgens recente verklaringen van Alexander De Croo moet de aandacht nu niet meer prioritair gaan naar de koopkracht van de mensen maar wel naar de concurrentiekracht van de bedrijven. Wat is uw visie op deze? »

(4) Cf l’interview de Sophie MERCKX, Cheffe du groupe PTB à la Chambre, La Libre Belgique, 25-26 février 2023, pp. 8-9: « Nous avons toujours défendu le droit des Ukrainiens à se défendre, mais continuer à livrer des armes, ça fait perdurer le conflit ». On sait pourtant que stopper l’aide militaire à l’Ukraine reviendrait à donner la victoire à la Russie.

(5) Il faut saluer l’article documenté de Camille DELANNOIS et Olivier MOUTON dans Trends-Tendances du 23 février 2023, pp. 20-29: « Le Wallon aussi créatif et travailleur que le Flamand ». On constate que ce titre est exprimé selon la forme affirmative et non selon la forme interrogative.

  ^ 

> Partagez cet article avec vos réseaux :