v La Maison commune européenne, on en reparle ?
Namur, le 2 avril 2023.
Nous sommes le 6 juillet 1989 et Mikhail GORBATCHEV, premier secrétaire du Parti communiste soviétique, prononce devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg un fameux discours (1). C’est un Européen qui s’adresse à l’Europe et parle d’elle en termes positifs en lui proposant de faire "tout ce qui est dans le pouvoir de la pensée moderne pour que l’homme puisse continuer à s’acquitter de la mission qui lui appartient sur cette terre et peut-être dans l’univers afin qu’il puisse s’adapter au stress de la vie moderne et sortir vainqueur de la lutte pour la survie des générations présentes et futures". Et l’Europe ne pourra être à la hauteur de cette grande mission, précise le premier secrétaire, que si elle reconnaît son "INDIVISIBILITÉ".
Même s’il admet que le rôle de l’Europe dans l’histoire mondiale est universellement reconnu et apprécié, M. GORBATCHEV considère qu’elle "est encore très loin de s’acquitter de sa dette face à l’humanité: espace de départ de la propagation dans le monde des métastases de l’esclavage colonial, espace de naissance du fascisme et de commencement des guerres les plus destructrices". Et GORBATCHEV de citer les grandes valeurs, qu’il semble partager, pour décrire la façon dont la dette doit être payée: "Elle devra le faire en cherchant à transformer les relations internationales dans l’esprit d’humanisme, d’égalité, de justice, en donnant l’exemple de la démocratie et des réussites sociales dans ses propres pays". On ne peut lire ce passage qu’en se rappelant que la démocratie contient la concrétisation de l’expression majoritaire des habitants d’un pays à se doter d’un système, démocratique lui aussi, d’organisation de la vie collective et de sa sécurité.
Une quarantaine d’années plus tard, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine aboutit à tout le contraire de la maison commune européenne souhaitée par le premier secrétaire, qui précisait, sur la philosophie du projet, qu’elle excluait "toute probabilité d’un affrontement armé, toute possibilité de recourir à la force militaire employée par une alliance contre une autre, à l’intérieur des alliances, où que ce soit".
C’est donc le clanisme du Kremlin, opposé à la prise démocratique d’autonomie d’ex-satellites, qui a eu raison (on espère temporairement) du concept de maison commune européenne, formulé en son temps par l’occupant de l’époque du même Kremlin.
Quelle opportunité ?
Vu le contenu "valeurs" de l’idée de maison commune européenne prônée par M. GORBATCHEV, la Russie ne pourra s’en rapprocher et retrouver de l’honorabilité en Europe que si elle met préalablement fin à son agression contre l’Ukraine (2). Ce n’est qu’alors que le concept de maison commune européenne pourrait se matérialiser en donnant à la Russie et à l’Union Européenne un espace de préservation de la paix ainsi qu’un cadre de respect mutuel et de coopération. L’appartenance européenne commune pourra ainsi être valorisée par des partenariats, notamment entre pouvoirs régionaux et locaux (3), dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la science, de la prise en compte de la dimension planétaire et de ses enjeux (4).
On pourrait ainsi dire que Mikhail GORBATCHEV ne s’est pas exprimé pour rien le 6 juillet 1989. On pourrait aussi lire ou relire Emmanuel KANT, né et mort à Königsberg (actuellement l’enclave russe de Kaliningrad), auteur de Zum ewigen Frieden (Vers la paix perpétuelle).
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(2) Dans la même logique, on trouvera dans De Standaard des 1er et 2 avril 2023 (pp. 12-14) une interview de l’historien et éditorialiste anglais Timothy Garton ASH. Il y dit que « donner des garanties de sécurité à l’Ukraine est la seule manière de mettre à l’abri la paix en Europe »: « faire à terme entrer l’Ukraine dans l’OTAN et l’Union Européenne est la seule manière de ne pas s’enliser dans une guerre constante, jamais finie ».
(3) Cf Philippe SUINEN, Maison Commune Européenne et Régions, Regional CONTACT, vol. 3, 1989/2, pp. 18-21.
(4) L’un ou l’autre des deux grands partenaires, selon le cas, pourrait ainsi faciliter les contacts communs avec des organisations régionales, comme l’OTAN, l’Organisation de Shangaï pour la coopération, l’Organisation des États Américains, l’Union Africaine, la Ligue des États Arabes, l’ASEAN, l’APEC,...
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