v Prévention et résolution des conflits : l'identité positive
Namur, le 6 juin 2023.
Globalisation : c’est le mot utilisé pour décrire l’interdépendance croissante des économies, cultures et populations mondiales, provoquée par le commerce transfrontalier en biens et services, la technologie et les flux d’investissements, de personnes et d’information (1). C’est aussi un mot porteur de risques et d’angoisses si son "bon usage" n’est ni organisé ni contraignant au regard notamment:
- des objectifs du développement durable
- du respect de la diversité humaine, en laissant chaque personne et chaque communauté (chaque minorité) être pacifiquement soi-même, "avec des racines suffisamment profondes pour pouvoir être grand et voir de loin" (2).
La prévention et la résolution des conflits, souvent à l’origine d’atteintes à la dignité humaine et de nombreuses blessures et pertes de vie, s’inscrivent naturellement dans ces préoccupations. Dans ce domaine, la bonne volonté, le respect de chacun et le caractère équilibré du règlement intervenu doivent être suffisamment forts pour éviter toute pseudo-solution de retour à la force unilatérale.
Prenons le fameux conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie à propos du Haut-Karabakh. La question vient de connaître une évolution spectaculaire et remarquable avec la déclaration du 22 mai dernier du Premier Ministre arménien, Nikol PACHINIAN, qui s’est dit prêt à reconnaître le Haut-Karabakh comme faisant partie de l’Azerbaïdjan, à condition que Bakou garantisse la sécurité des Arméniens vivant dans l’enclave (3). La base de l’accord tient aussi au fait que l’Azerbaïdjan devrait quitter les parties du territoire arménien qu’il occupe en territoire arménien hors Haut-Karabakh. Comme les pourparlers de paix se passent parfois sous égide russe, parfois sous égide européen et/ou américain, on évitera difficilement la question sur la crédibilité dans ce rôle de la Russie, qui initie et mène la guerre contre l’Ukraine. On notera toutefois la "convergence accidentelle" sur ce dossier entre les Occidentaux et la Russie (4). Cela vaut pour l’attachement réciproque des deux pays concernés à la déclaration d’Almaty et à l’intégrité territoriale respective de l’Arménie et de l'Azerbaïdjan. Ladite déclaration d’Almaty du 21 décembre 1991, signée par la Fédération de Russie avec 10 États de l’ex-URSS (dont l’Arménie, l’Azerbaïdjan, mais aussi l’Ukraine) dit reconnaître et respecter "l’intégralité territoriale et l’immuabilité des frontières existantes des uns et des autres". Elle a rendu possible aux États signataires le désirant l’adhésion à la Communauté des États Indépendants (CEI). Au regard de ces principes reconnus en 1991 par la Russie (d’ "intégrité territoriale" et d’"immuabilité des frontières existantes"), il est intéressant de constater qu’en 1991, le territoire de l’Ukraine comprenait les territoires depuis lors pris de force par la Russie. On voit ainsi la profonde contradiction entre l’usage de la force et la prise d’engagements juridiques internationaux par le même État, ce qui n’augmente certainement pas son potentiel de négociation.
La protection des minorités
L’autre point important dans ce contexte tient en la situation des minorités, en l’occurrence culturelles. Il est très utile de savoir que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe du 1er février 1995 pour la protection des minorités nationales compte parmi ses États parties (ayant signé et ratifié ledit texte), l’Ukraine, l’Arménie et l’Azerbaïdjan (5). Même si chaque gouvernement d’État partie doit transmettre chaque année au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe des informations complètes sur les mesures prises par lui pour mettre en œuvre la Convention (ce qui induit une pression morale résultant du rapport du Comité des Ministres), ce texte n’est pas contraignant. Il constitue en tout cas, outre la pression morale précitée, un catalogue des droits à respecter vis-à-vis des minorités nationales et exclut les comportements étatiques attisant la haine entre les groupes ethniques (6).
Une disposition-clé de la Convention-cadre invite les États à promouvoir l’esprit de tolérance et de dialogue interculturel et à favoriser le respect et la compréhension mutuels et la coopération entre toutes les personnes vivant sur leur territoire , quelle que soit leur identité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse (7).
En d’autres termes, l’identité positive faite d’altérité et de dialogue.
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(1) Peterson Institute for International Economics, What Is Globalization, pie.com, 24 octobre 2022: "Globalization is the word used to describe the growing interdependence of the world’s economies, cultures, and populations, brought about by cross-border trade in goods and services, technology, and flows of investment, people and information"
(2) Philippe SUINEN, Minorité(s)*, Éditions Luc Pire, Collection Pierres de Taille, 2001, pp. 19-20
(3) Poutine s’affiche en médiateur entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, Le Monde, 27 mai 2023, p. 4
(4) Ibid. La remarque a été formulée par Richard GIRAGOSIAN, directeur du Regional Studies Center à Erevan
(5) On sait que la Belgique a signé ce texte, mais ne l’a pas ratifié en raison de l’opposition de la Communauté flamande
(6) Les dispositions de la Convention-cadre constituent un ensemble bien équilibré, que l’on peut partager en 7 principes: la liberté individuelle de choix, l’égalité, l’ouverture sur les autres, l’identité culturelle, la liberté linguistique, les autres droits et la transposition internationale
(7) Art. 6.1.
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