> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Le niveau d’instruction des jeunes Wallons
2021-14 - Namur, le 19 avril 2021. > [pdf]
Lors d’une précédente chronique (1), nous avions déjà évoqué le problème préoccupant des jeunes qui ne sont pas dans l’enseignement, qui n’ont pas de travail et qui ne sont pas en formation, catégorie connue sous l’acronyme "NEET", avec, comme souvent dans l’utilisation des acronymes, un danger de stigmatisation. Les résultats de l’Enquête sur les forces de travail, organisée et publiée par Statbel (2), offrent l’occasion d’une vision plus globale du niveau d’instruction des jeunes en Belgique.
Trois indicateurs sont calculés :
• Le pourcentage de la population âgée de 15-24 ans qui n’a pas d’emploi, n’est pas dans l’enseignement et ne suit pas de formation.
• Le pourcentage de la population 18-24 ans en décrochage scolaire, c’est-à-dire qui sort sans diplôme de l’enseignement secondaire.
• Le pourcentage de la population de 30-34 ans qui a un diplôme de l’enseignement supérieur.
Les résultats pour la Belgique et les 3 régions sont présentés au tableau 1.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
référencé sous le titre de la chronique
Dans sa stratégie "Europe 2020", approuvée en 2010, l’Union Européenne avait fixé des objectifs pour chacun de ces indicateurs à l’horizon 2020, qui sont eux aussi repris au tableau 1. Et, comme les chiffres de 2020 sont désormais disponibles, l’heure du bilan est venue.
On peut constater, à la lecture du tableau 1, que la Belgique a réalisé 2 des 3 objectifs, à savoir le pourcentage en décrochage scolaire et celui de la détention d’un diplôme d’enseignement supérieur. Par contre, le pourcentage de jeunes sans emploi ni enseignement, ni formation est plus élevé que la cible européenne, 9,2% contre 8,2%.
Mais, comme très souvent en matière statistique pour la Belgique, la moyenne ne signifie pas grand chose tant les disparités régionales sont importantes. Pour illustrer la fragilité de l’interprétation des moyennes, notre professeur de politique économique, que l’on retrouva Gouverneur de la BNB par la suite, nous décrivait un homme dont la tête était dans un four allumé et les pieds dans un frigo en plein rendement, mais dont la température moyenne du corps affichait 36,5°, et donc une température conforme pour un être humain en bonne santé. L’image pourrait presque s’appliquer à la Belgique économique.
On le voit au tableau 1 : la Flandre atteint les 3 objectifs avec une bonne marge de sécurité pour chacun d’eux, tandis que les deux autres régions du pays, hormis Bruxelles pour un indicateur, sont loin du compte. La comparaison avec la Flandre doit toujours être maniée avec prudence. Les conditions économiques, et donc sociales, jouent sans doute un rôle dans les moins bons résultats de la Wallonie et Bruxelles, mais moins que sur d’autres indicateurs plus économiques. La responsabilité des autorités publiques qui se sont succédées depuis la communautarisation de l’enseignement ainsi que celle des acteurs de l’enseignement est ici beaucoup plus clairement engagée.
Si on se concentre sur la Wallonie, l’écart avec les objectifs européens est important pour les jeunes sans emploi, ni enseignement, ni formation et pour le nombre de diplômés d’études supérieures, respectivement, 11,7% contre 8,2% et 40,6% contre 47%. Par contre, pour l’indicateur de décrochage scolaire, la Wallonie est proche du minimum voulu par l’Europe, 9,8% contre 9,5%.
Comme s’il fallait encore le démontrer, la Wallonie, ou plus globalement la francophonie belge, témoigne d’un vrai problème avec son enseignement, non seulement avec sa qualité et son équité comme le montrent les études PISA (3), mais aussi avec le niveau d’instruction atteint par ses jeunes. Quand on cumule pareilles faiblesses, cela commence à faire beaucoup. Pour en rester au seul niveau économique, on ne peut que répéter qu’il faut trouver dans ces indices une des raisons du chômage élevé, surtout chez les jeunes, et des difficultés pour les entreprises, et singulièrement les entreprises innovantes, à trouver les talents dont elles ont besoin pour se développer et affronter la concurrence internationale.
On ne peut pas ne pas souligner le fait que l’un des leviers déterminants pour son développement économique et social ne soit pas entre les mains de la Wallonie, puisque l’enseignement est du ressort de la Fédération Wallonie-Bruxelles. On ne franchira pas le pas d’affirmer que l’enseignement francophone se porterait mieux si il était du ressort des régions mais au moins y aurait-il une cohérence des responsabilités, et sans doute une plus grande pression collective sur les autorités pour que l’enseignement s’améliore, ainsi qu’une meilleure coordination avec la formation, les agences pour l’emploi et les autres acteurs de terrain. N’est-il pas temps de réfléchir à une réforme institutionnelle qui mettrait fin à cette dilution des pouvoirs, cette confusion des rôles et, en fin de compte, cette inefficacité opérationnelle, somme toute assez inadmissible. Car que penser d’une société qui ne donne pas toutes ses chances à sa jeunesse et qui hypothèque sérieusement l’épanouissement qu’elle est en droit d’espérer de sa vie future ?
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(1) http://www.institut-destree.eu/2021-03-29_chronique-economique_didier-paquot.html
(2) L’Office belge de la statistique, https://statbel.fgov.be/fr/themes/emploi-formation/formation-et-enseignement
(3) PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Elle évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique. https://www.oecd.org/pisa/aboutpisa/pisa-en-francais.htm
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