> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Les enjeux économiques actuels en cinq graphiques de l’OCDE
2021-21 - Namur, le 7 juin 2021. > [pdf]
www.oecd.org
L’OCDE (1) a rendu public ce 28 mai ses dernières "perspectives économiques" (2) qui sont publiées deux fois par an. Ce rapport comprend une analyse fouillée de l’économie mondiale et des 37 pays composant l’OCDE (3). Faisons le tour des grands enjeux économiques du moment en reprenant 5 graphiques de la présentation du rapport (4). Les commentaires en bleu pâle au-dessus de chaque graphique sont de l’OCDE.
1. Une reprise rapide de l’activité
Le graphique ci-dessous suggère que l’économie mondiale va rapidement effacer le recul du niveau d’activité dû à la pandémie (tout en gardant à l’esprit que ce qui est perdu est perdu). Si on indice le PIB mondial du 4ème trimestre de 2019 à 100, on voit que le niveau de l’activité mondiale est tombé à 90 au troisième trimestre de 2020 mais qu’il pourrait déjà être revenu à 100 au premier trimestre de 2021 et progresser jusqu’à 104 fin 2021 et à 107 fin 2022.
Comme le souligne la chief economist de l’OCDE "Les séquelles de la crise pourraient être limitées". Essentiellement pour deux raisons, grâce à la "réactivité impressionnante des pouvoirs publics" mais aussi, c’est votre chroniqueur qui l’ajoute, parce que le choc externe de la pandémie n’a pas touché aux capacités productives, ni perturbé le système financier.
Au niveau des pays, la plupart des pays industrialisés devraient retrouver leur niveau de 2019 au plus tard en 2022. C’est le cas pour la Belgique. Malheureusement, les pays émergents ou en voie de développement se redresseront plus lentement.
On peut noter aussi sur le graphique que les prévisions se sont nettement améliorées depuis décembre 2020.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf>
référencé sous le titre de la chronique
2. La période reste troublée
Plusieurs facteurs rendent les prévisions encore plus fragiles qu’elles ne le sont d’habitude. Il est très difficile de prévoir l’évolution de la pandémie et de la vaccination. Devrons-nous affronter des variants encore plus contagieux et qui résistent à la vaccination ? La vaccination sera-t-elle suffisante pour empêcher de nouvelles vagues de contamination ? La vaccination elle-même se déroulera-t-elle sans accrocs ?
Le graphique de droite montre que les écarts entre les scénarios favorables et défavorables sont très importants : 3 points de pourcentage pour l’Europe par exemple, entre 6% et 3% de croissance.
3. Un choc inégalitaire sur l’emploi
La chute de l’activité a, fort logiquement, entrainé une baisse de l’emploi, mais pas dans les proportions que l’on pouvait craindre, grâce aux politiques d’amortissement mises en place dans les différents pays.
Par contre, la pandémie a touché très différemment l’emploi selon la qualification. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’emploi des professions hautement qualifiées (les barres rouges) a continué d’augmenter dans la plupart des pays de l’OCDE. Et contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, ce n’est pas les professions peu qualifiées (les barres vertes) qui ont le plus souffert des conséquences de la pandémie mais les professions moyennement qualifiées. Comme nous l’avons détaillé dans une précédente chronique, c’étaient déjà ces professions qui ont le plus été impactées par les mutations sur le marché de l’emploi au cours de ces dernières années (5).
La Belgique est un exemple typique de ces mouvements, avec une progression marquée des emplois très qualifiés et une baisse notable des emplois moyennement qualifiés, tandis que les emplois peu qualifiés diminuaient modérément. Au total, les pertes d’emploi ont été contenues en 2020.
4. Les craintes d’une inflation trop importante
La reprise rapide de l’activité manufacturière s’est manifestée dans une accélération du commerce mondial, comme le montre le graphique de gauche ci-dessous. La flambée de la demande en biens intermédiaires et de transport a entraîné des difficultés d’approvisionnement, que personne ne s’attendait à être si importantes. De très nombreux biens, comme les matières premières, des matériaux de construction ou les fameux semi-conducteurs, connaissent une pénurie, et comme les chaines de production (les non moins fameuses "chaînes de valeur") sont à la fois très morcelées et très interdépendantes, de nombreuses productions et chantiers ont été retardés, voire suspendus.
La réactivité de l’économie de marché étant ce qu’elle est, ces perturbations dans les chaines d’approvisionnement devraient s’aplanir à terme, mais, tout de même, dans certains secteurs, ainsi que dans le transport, on ne s’attend pas à un retour à la normale avant quelques mois, voire une année.
Et quand la demande est plus forte que l’offre, les prix augmentent. Par exemple, les coûts de transport maritime ont aussi explosé comme le montre le graphique de droite ci-dessous. Sur tous les marchés où l’offre ne suit pas, les prix vont augmenter. L’inflation est un des facteurs les plus déstabilisateurs pour une économie, nous en reparlerons dans une prochaine chronique. D’où l’inquiétude de tous les observateurs, y compris des marchés financiers qui pourraient pousser les taux d’intérêt à la hausse (pour maintenir le niveau des taux réels), ce qui serait très dommageable en ces temps de reprise et de fort endettement.
Mais certaines raisons poussent à penser que cette hausse des prix est temporaire. D’abord le point de référence était très bas, puisque l’inflation était quasi nulle il y a un an. Cet effet de base va progressivement se dissiper. Une part de l’inflation est aussi due à la hausse du prix du pétrole qui devrait être limitée à l’avenir. Ensuite, les distorsions entre offre et demande devraient se résoudre progressivement. Et enfin, le plus important, pour qu’une spirale inflationniste se mette en place, il faut que les salaires augmentent en réaction à la hausse des prix, hausse des salaires qui va alimenter la hausse de prix et ainsi de suite. Or, en raison du niveau de non-emploi et de la concurrence mondiale, le risque d’une envolée des salaires est minime.
Il n’empêche, quand l’inflation repart, on ne sait jamais très bien où elle va s’arrêter. C’est donc, en dépit des raisonnements rassurants, un vrai point d’inquiétude pour le futur.
5. Un haut niveau d’endettement
Comme le montre le dernier graphique, les taux d’endettement post-crise sanitaire sont importants. C’est surtout le secteur public qui a beaucoup emprunté sur la dernière année, mais les entreprises ont, elles aussi, dû recourir à l’emprunt.
La marge pour des emprunts supplémentaires, qui viendraient soutenir l’investissement, est donc très limitée et pourrait menacer la pérennité de la reprise, bloquée par des capacités de production insuffisantes.
Le défi sera aussi, pour les autorités publiques, de stabiliser l’endettement et surtout de réorganiser leurs finances publiques pour entamer le désendettement, sinon absolu, du moins relatif au PIB. Ce ne sera pas chose simple, casser une dynamique de progression des dépenses publiques et revenir à un niveau plus bas est un exercice très délicat et impopulaire.
Synthèse : 4 enjeux principaux pour le court et moyen terme
Il apparaît donc que les économies industrialisées doivent se préoccuper de 4 enjeux :
1. La normalisation du fonctionnement des chaines d’approvisionnement.
2. Le retour au niveau d’emploi d’avant crise.
3. La maîtrise de l’inflation.
4. La réorganisation des finances publiques en vue d’un désendettement relatif.
A l’évidence, le premier enjeu dont dépendra tous les autres, est l’éradication de la pandémie, et donc le succès des campagnes de vaccination. Y compris dans les pays émergents et en voie de développement, ce qui implique une solidarité des pays avancés, dans leur propre intérêt.
______________________
(1) OCDE: Organisation de Coopération et de Développement Economique est un organisation qui, selon son site, « œuvre pour la mise en place de politiques meilleures pour une vie meilleure ». Elle est un centre unique de connaissance : statistiques, analyses, rapports sur une très vaste étendue de sujets. L’OCDE rassemble 37 pays du monde « industrialisé ».
(2) https://www.oecd.org/perspectives-economiques/
(3) https://www.oecd-ilibrary.org/sites/631c1b44-fr/index.html?itemId=/content/publication/631c1b44-fr
(5) Ma chronique: “la dualité du marché du travail” http://www.institut-destree.eu/2021-03-22_chronique-economique_didier-paquot.html
> Inscrivez-vous par mail à cette chronique économique :
economics [at] institut-destree.eu Bienvenue
> Partagez aussi cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr