> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot
v Provinces wallonnes : l’importance des revenus des emplois "extérieurs"
2022-21 - Namur, le 20 juin 2022. > [pdf]
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Dans une chronique précédente (1), nous avions souligné l’écart important de capacité productive (identifiée par le PIB par habitant) entre la province du Brabant wallon et les autres provinces. Cet indicateur donne cependant une image faussée des revenus que génèrent les ménages habitant ces provinces. En effet, quand le territoire est de taille modeste comme celui de la Wallonie, il y a de nombreuses possibilités de trouver un emploi en dehors de la Région, ce qui en accroit le revenu sans augmenter la production intérieure.
Le tableau 1 reprend ces différences entre production et revenu. C’est le revenu primaire qui est considéré ici, à savoir les revenus que les personnes reçoivent de leurs activités professionnelles ou de leurs actifs financiers. Une deuxième notion de revenu, le revenu disponible (le revenu dont disposent les individus après les transferts sociaux), n’est pas abordée ici car il s’agit d’un autre sujet.
Les tableaux figurent en taille réelle dans le fichier <pdf> référencé sous le titre de la chronique.
Pour la Wallonie dans son ensemble, le revenu par habitant est supérieur de près de 20% à la production, ce qui est un pourcentage important. Cette différence atteint plus de 50% pour la province du Luxembourg, près de 40% pour la province de Namur, 25% pour celle du Hainaut et 20% pour Liège. Seule la province du Brabant wallon connaît une diminution de son revenu par habitant en comparaison avec sa production.
Pour les quatre provinces dont le revenu est supérieur à la production, la différence s’explique par le fait que des habitants de ces provinces travaillent à l’extérieur des frontières de celles-ci. Pour le Brabant wallon, le revenu moins important que la production s’explique par le phénomène inverse, à savoir qu’un nombre important de personnes qui n’habitent pas la province y travaillent.
On peut aussi noter du tableau 1 que, en dépit de son augmentation par rapport à la production, le revenu primaire des provinces wallonnes, hormis le Brabant wallon, reste au-dessous de la moyenne belge. La province du Hainaut, et dans une moindre mesure la Province de Liège, reste très en-deçà de cette moyenne belge.
Le constat qu’une part non négligeable des revenus des habitants wallons provient d’emplois extérieurs à la Wallonie amène tout naturellement à se demander où sont situés ces emplois. C’est l’objet du tableau 2.
Le tableau se lit comme suit, par exemple pour la première ligne : la Wallonie compte 1,4 millions d’actifs occupés, c’est-à-dire des personnes qui ont un emploi. 5% de ces personnes travaillent à l’étranger, c’est-à-dire hors Belgique, 3% en Flandre, 10% à Bruxelles et 82% en Wallonie. Cela revient à dire que presqu’un Wallon sur cinq travaille hors Wallonie, principalement à Bruxelles (10%). Les deux dernières colonnes du tableau indiquent, pour chaque province, le pourcentage des habitant-e-s qui travaillent dans leur propre province et ceux /celles qui travaillent dans d’autres provinces.
Les autres chiffres marquants de ce tableau sont que 31% des habitant-e-s du Brabant wallon travaillent à Bruxelles. Pourtant, en dépit de cet apport de revenu de l’extérieur, le revenu primaire de cette province est moins important que sa production. Cela s’explique par le fait que de nombreux emplois dans le Brabant wallon (44% (2)) sont occupés par des personnes n’habitant pas la province (dont des habitants de Bruxelles). En outre, en raison de la présence de très nombreuses multinationales, certaines personnes travaillant dans le Brabant Wallon résident sans doute à l’étranger.
Mais le Brabant Wallon est une exception. Pour les quatre autres provinces, les emplois de l’extérieur contribuent à augmenter le revenu de la province. 30% des personnes habitant le Luxembourg travaillent à l’étranger, sans doute principalement au Grand-Duché de Luxembourg, ce qui explique le grand écart entre production et revenu pour cette province (cfr. Tableau 1). Pour la province du Hainaut, 10% travaillent à Bruxelles, 8% pour la province de Namur. Un nombre relativement peu important d’habitants wallons travaille en Flandre, 5% dans le Brabant wallon, 4% dans le Hainaut, ce qui est faible, compte tenu de la proximité et du gros appel d’emplois que constitue la Flandre.
C’est évidemment un bien pour les citoyens wallons que de trouver de l’emploi à l’extérieur des frontières de la Région. Mais cela signifie aussi que l’économie wallonne ne parvient pas à créer les emplois nécessaires à sa population, puisque 20% trouvent un emploi à l’extérieur et que, malgré ce pourcentage élevé, le taux d’emploi n’est que de 65% en Wallonie. On notera aussi que l’emploi extérieur wallon dépend de deux grands pôles : Bruxelles et le Grand-Duché de Luxembourg. Enfin, le Brabant wallon est un pourvoyeur d’emplois pour le reste de la Wallonie, ce qui nuance une conclusion de notre précédente chronique sur les provinces où nous écrivions que "l’explosion de la performance économique du Brabant wallon sur les 15 dernières années n’a en rien profité aux autres provinces wallonnes". Si, effectivement, il n’y a pas eu d’effet d’entraînement sur la production des autres provinces, l’activité dans le Brabant Wallon a créé des emplois dont bénéficient les deux provinces limitrophes, le Hainaut et Namur, mais pas non plus dans des proportions démesurées : 6% des habitants de chacune des deux provinces travaillent dans le Brabant wallon.
Si on ajoute à ces revenus provenant des emplois "extérieurs" les gains de revenu issus des transferts sociaux et les revenus du travail souterrain, la situation financière des Wallons est moins alarmante que ne laisse présager l’indicateur de PIB. Le risque est que ces trois facteurs, qui accroissent le revenu, atténuent d’autant la pression de la population sur les autorités politiques pour qu’elles s’engagent plus résolument à prendre les mesures visant à améliorer la situation économique de la Région. Ces mesures réduiraient aussi le poids de ces trois facteurs, qui ne sont évidemment pas à mettre sur le même pied, le premier – les revenus d’emplois "extérieurs" - étant le bienvenu, le second – les transferts – traduisant un manque d’autonomie de la Wallonie au sein de la Belgique, le troisième – le travail souterrain – étant tout à fait illégal.
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(1) "Wallonie économique : le Brabant wallon et les autres provinces." https://www.institut-destree.eu/2022-05-16_chronique-economique_didier-paquot.html
(2) Ce pourcentage ne peut être calculé à partir du tableau 2.
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