Les mots "chaos mondial" sont actuellement très utilisés dans les analyses politiques. Le Robert les définit par addition en affichant "confusion, désordre grave" "...relatif à la terre entière". Parmi les illustrations de ce phénomène, on cite, avec son influence sur d’autres tensions dans le monde, l’inacceptable agression russe sur l’Ukraine et les menaces, principalement oratoires mais existantes, de répétition sur la Moldavie, la Géorgie, voire les pays baltes. Ces derniers constituent portant depuis 2004 la preuve que l’occupation soviétique peut être suivie, 10 ans après sa fin, de l’adhésion à l’OTAN.
C’est pourquoi l’intensité du soutien de la communauté internationale, notamment l’Europe et l’Amérique du Nord, à l’Ukraine, aura une influence importante sur le respect du devenir voulu par ces pays.
On peut aussi croire que cette donnée pourra être prise en compte par la Chine dans l’estimation de sa marge de manœuvre vis-à-vis de Taïwan, qui présente la double caractéristique de pouvoir compter sur un système politique démocratique et une économie libérale détenant par exemple 50 % du marché mondial des semi-conducteurs et la position technologique de pointe dans ce créneau.
Plus largement, face au paramètre "intensité du soutien de la communauté internationale à l’Ukraine", on retrouve l’imprévisibilité actuelle des prochaines élections présidentielles américaines, dont une des hypothèses tient en une victoire du camp républicain et en une attitude trumpienne dite "America First" visant à passer du soutien à l’Ukraine à une forte pression exercée sur cette dernière pour la forcer à trouver un compromis avec la Russie (ce qui constituerait une prime à l’agresseur) (1). S’ils ne sont pas rapidement rectifiés, les divisions et blocages intervenus fin 2023 au Congrès pourraient servir de signes prémonitoires d’un affaiblissement en ce qu’ils ont, malgré l’urgence des propositions budgétaires du Président BIDEN en faveur de l’Ukraine, empêché l’acceptation de celles-ci (2).
Voyons maintenant pour l’Europe. Toutes les hypothèses, y compris le worst case, étant à examiner, il convient donc de veiller à ce que l’Union Européenne dispose de la capacité et des moyens lui permettant de déjouer les pièges, d’affronter les risques et de préserver ses valeurs, sur son territoire comme vis-à-vis du reste du monde. Face à un tel défi, la règle de l’unanimité en Conseil peut constituer un handicap en termes d’efficience décisionnelle et correspond plus à une philosophie multilatérale classique et dépassée qu’à l’état avancé d’intégration qui la caractérise désormais. Il est donc fortement souhaitable de remplacer la règle de l’unanimité, là où elle existe encore (par exemple pour la politique étrangère, la fiscalité, le budget commun, l’élargissement) par la règle de la majorité qualifiée (55 % des pays représentant au moins 65 % de la population de l’Union), qui est déjà d’application pour la grande majorité des domaines politiques.
Il ne faut pas être grand analyste pour comprendre que, face à l’agression russe contre l’Ukraine et par le fait même contre les valeurs européennes, l’UE ne peut être à la merci, dans son pouvoir décisionnel, d’un membre qui, représentant à peine 2 % de sa population (la Hongrie) et ne respectant pas, selon la Commission, le principe de l’état de droit et la liberté académique, affiche au niveau de son gouvernement une attitude de complicité avec la Russie ainsi que des relations difficiles avec l’Ukraine (3). La complicité avec la Russie se retrouve aussi dans d’autres domaines, notamment la réaction après les récentes élections législatives en Serbie (4).
Il s’agit là d’une réalité à prendre en compte dans le parcours européen, à commencer par le premier semestre de cette année, qui voit la Belgique présider le Conseil de l’Union Européenne et transmettre le relais à la Hongrie à partir du 1er juillet.
___________________________
(1) Interview de Nicolas BAVEREZ par Simon BRUNFAUT, « La démocratie ne finit pas toujours par gagner. Elle est mortelle. », L’Écho, 8 avril 2023, p. 22.
(2) États-Unis: l’année désastreuse du Congrès, Les Échos, 25 décembre 2023, 11:00
(3) Cf l’éditorial « Une bonne nouvelle pour l’Ukraine et l’Europe », Le Monde, 16 décembre 2023, à propos de l’attitude du Premier Ministre Viktor ORBAN: « Son obstructionnisme contraindra certainement les Européens à faire preuve d’inventivité pour le contourner. Il témoigne de la nécessité de réformer une règle de l’unanimité prévue pour temps calme mais qui menace à chaque crise d’ampleur, et elles ne manquent guère désormais, de mettre en panne le projet européen. »
(4) Heurts devant la mairie de Belgrade, La Libre Belgique, 26 décembre 2023, p. 14
> Partagez cet article avec vos réseaux :
@InstitutDestree@InstitutDestreewww.linkedin.com/company/destree-institute/ Webmail de MAD-Skills.eu
(c) https://www.institut-destree.eu, en ligne depuis 1996,
ONG partenaire UNESCO et UN-ECOSOC depuis 2012
Propulsé par hébergé par wistee.fr