> Prix de la Wallonne ou du Wallon de l'année (Prix Bologne-Lemaire)
Prix 2021 : discours du lauréat et quelques photos
> Michaël Gillon, Astrophysicien
> Communiqué de presse [pdf] > Feuillet de l'Institut Destrée [pdf]
Madame et Messieurs les Ministres, Monsieur le Recteur, Cher proches, amis et collègues, Mesdames, Messieurs,
C’est un très grand honneur pour moi de recevoir aujourd’hui ce Prix du Wallon de l’année. Pour partager avec vous la fierté que j’en ressens, j’aimerais vous raconter un évènement qui m’est arrivé il y a quelques jours. J’étais en voiture avec mon fils de 10 ans, Lucas, qui se trouve ici d’ailleurs. Et, comme beaucoup d’entre vous le savent surement, les enfants posent beaucoup de questions, et mon fils ne fait certainement pas exception. Et là, il m’a demandé, de but en blanc à quel endroit sur Terre je rêverais de vivre. Sa question m’a pris de court. Honnêtement, je ne savais pas quoi lui répondre. J’ai bien pensé à la beauté d’Hawaii, au Chili et son ciel magnifique, mais tout naturellement je lui ai donné la réponse la plus évidente qui m’est venu en tête : ici, en Wallonie. C’est en effet ici, le paradis sur Terre, de mon point de vue, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, la plupart des gens en Wallonie sont sympathiques, humains, et accueillants. Nous vivons dans une démocratie très peu gangrénée par les idées extrémistes, au contraire de certaines régions et pays voisins. Ici, nous connaissons la liberté, la vraie, même celle de râler à tout bout de champ, nous bénéficions d’un système de santé et d’aide qui prend soin des plus démunis. Notre niveau de vie est très bon. Nous nous trouvons au cœur de l’Europe, nous sommes tournés vers l’Europe, vers le monde, tout en vivant dans une région riche de cultures, d’histoire et de traditions. Nous faisons de grandes choses, mais nous les faisons avec modestie et humour.
Le plus important peut-être, c’est qu’ici les gens peuvent entreprendre, s’épanouir, se réaliser. Je pense que mon parcours en est un bon exemple. Enfant, je rêvais des étoiles et des mondes habités qu’elles abritaient, dans mon imagination du moins. De ce rêve, ici en Wallonie, j’ai pu en faire un métier, une carrière. Je pense qu’il y a très peu d’autres endroits sur Terre où cela aurait été possible, surtout si l’on considère le parcours tortueux que j’ai emprunté. En effet, durant mes études secondaires, j’étais un adolescent rêveur et insouciant. Je ne savais pas très bien vers où j’allais. J’étais attiré par les sciences, mais je ne me sentais pas prêt à réaliser des études universitaires, pas assez mûr pour cela. A 17 ans, après mes études secondaires, je me suis engagé à l’armée. J’avais soif d’aventure, de sport, d’indépendance financière. Mais à l’armée, je suis tombé malade, et j’ai dû me réinventer. A coup de lectures, j’ai développé une passion de plus en plus forte pour la science, et après une carrière militaire de sept ans, j’ai entamé des études scientifiques à l’Université de liège. Cette reconversion n’est pas le fruit d’une position sociale privilégiée. Je ne suis pas issu d’une famille aisée. Ce qui a rendu possible cette reconversion, c’est l’environnement favorable dont bénéfice chaque Wallon. Par exemple, l’armée a décrété que j’étais physiquement inapte à une carrière opérationnelle et m’a octroyé une pension, et donc la liberté financière nécessaire à ma réorientation. J’ai aussi bénéficié du système du jury central qui m’a permis de suivre des cours à l’université tout en étant encore à l’armée.
A l’Université de Liège, j’ai bénéficié d’une formation scientifique du plus haut possible, qui n’a rien à envier aux universités les plus prestigieuses comme le MIT, Harvard, Cambridge, etc. Mais il y a une différence importante par rapport à ces universités, c’est le coût des études, bien plus abordable. Nul besoin d’être riche, ici en Wallonie, pour bénéficier d’un enseignement de qualité.
Encore plus tard, j’ai pu faire un doctorat en astrophysique, et vu que les universités et les chercheurs wallons sont très actifs dans les projets internationaux parmi les plus ambitieux, je me suis retrouvé directement impliqué dans une mission spatiale pionnière dans le domaine des exoplanètes, ce qui m’a mis le pied à l’étrier si on peut dire. Cela m’a permis de décrocher un poste de chercheur post-doctorant à Genève au sein de l’équipe la plus à la pointe du domaine, grâce aussi à la collaboration qui existait déjà entre Liège et Genève. Après trois ans de post-doctorat à Genève, je suis revenu en Wallonie, à Liège, et j’y ai été accueillis les bras ouverts, via un contrat temporaire de "retour" financé par l’Etat Fédéral (BELSPO), et ensuite via une poste de chercheur permanent au sein du FNRS, financé notamment par la Région wallonne. C’est ce poste qui m’a permis de développer, avec des collaborateurs et les membres de mon équipe, les projets TRAPPIST et SPECULOOS, et d’ainsi me rapprocher un peu plus de la réponse à la question qui me taraude depuis que je suis tout petit : sommes-nous seuls dans l’Univers ?
Un petit mot sur le FNRS, le Fond de la Recherche Scientifique. Il finance la recherche fondamentale en Belgique francophone en laissant toute liberté à ces chercheurs, et en stabilisant un maximum via des postes permanents dénué de contrainte d’enseignement. Pour un chercheur, c’est le poste parfait qui lui donne la liberté et les moyens de mener à bien ses projets de recherche, même les plus ambitieux, en laissant libre cours à sa créativité scientifique. D’ailleurs le slogan du FNRS, c’est la liberté de chercher, et c’est un slogan qui lui va bien. Et si l’on regarde ailleurs, on se rend compte que les équivalents du FNRS sont très rares. La plupart de mes collaborateurs étrangers stabilisés ont des postes académiques avec des charges d’enseignement assez importantes. Moins, mon seul boulot, c’est d’étudier l’Univers.
Et pour étudier l’Univers et apprendre des choses nouvelles à son sujet, il faut plus qu’un salaire, il faut des moyens. Les moyens de construire une équipe, d’acheter et d’opérer des télescopes, d’analyser les données, etc. Et ces moyens, en Wallonie, j’en ai bénéficié, que ce soit via le soutien sans faille de l’Université de Liège, du FNRS, de BELSPO, et de l’Europe, et via notre riche réseau de collaborateurs étrangers.
Tout ça pour vous dire que je donnerais aujourd’hui à mon fils Lucas la même réponse que je lui ai donné il y a quelques jours : je ne rêve pas de vivre ailleurs, au contraire, j’apprécie la chance énorme que j’ai d’être Wallon et de vivre en Wallonie. Voilà pourquoi ce Prix que l’on remet aujourd’hui me remplit de joie et de fierté. Je remercie chaleureusement l’Institut Destrée et le jury qui ont décidé de me remettre ce prix.
Mais je me dois d’insister sur le fait que ce prix n’est pas que mien, je le partage avec beaucoup de personnes que je voudrais également féliciter, et en premier mon équipe et mes collaborateurs liégeois et internationaux, sans lesquels rien n’aurait été possible. D’ailleurs, certains d’entre eux sont ici et je propose que nous les applaudissions chaleureusement.
Je voudrais aussi remercier mes parents et mes enfants, qui m’ont toujours apporté l’amour et le soutien dont j’avais besoin pour m’épanouir.
Merci de votre attention.
Michaël Gillon
Namur, 16.03.2022.
Photos Yves Goethals (c) Institut Destrée - Droits SOFAM
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