2024, année olympique : à la découverte de sportifs honorés en pays wallon
9 juin 2024 : Omer Huyse, la victoire au bout de l’effort
Stèle située à Luingne – Mouscron (Grand Place)
L’avant-dernière étape de notre série “Quoi de neuf” pour cette année 2023-2024 nous amène en Wallonie Picarde, à la rencontre d’un homme à la victoire unique. Unique par la qualité de sa victoire, unique car elle a été son seul succès. Mais quel succès !
En 1924, il gagne la plus longue étape de l’histoire du Tour de France, une épreuve qui inspire à Albert Londres son livre Les Forçats de la route, où il conte les souffrances des coureurs au quotidien. Né à Courtrai, enfant du pays de Mouscron, Omer Huyse, homme à la carrière discrète mais à l’exploit éclatant, a un buste à son nom qui trône sur la grand place de Luingne. C’est l’étape du jour.
Parmi les sportifs faisant l’objet d’un monument dans l’espace public de Wallonie, les motocyclistes et les cyclistes sont proportionnellement les plus nombreux. Certainement moins illustre qu’Eddy Merckx, Stan Ockers ou Claudy Criquielion, Omer Huyse est un "enfant du pays de Mouscron" dont les participations au Tour de France ont frappé les imaginations.
Car, en un temps où le cyclisme “ultra” ne l’était pas encore, et où le “gravel” était simplement appelé “vélo”, Omer Huyse a remporté l’étape la plus longue de toute l’histoire du Tour : entre Les Sables-d'Olonne et Bayonne. Le Wallon de Luingne est resté assis sur sa salle à pédaler pendant 19h40… et parcourir 482 kilomètres !
Le 30 juin 1924, il y a presque cent ans, Omer Huyse s’élance avec son maillot de l’équipe Lapize-Dunlop et les nonante-trois autres concurrents encore en course. Cinq ne rallieront pas Bayonne.
Dans Le Petit Parisien, Albert Londres décrit parfaitement ce qui s’est passé ce jour-là :
“On traverse les Landes. On n’en finit pas de traverser les Landes et on a le temps de compter goutte à goutte la résine qui tombe des arbres dans de petits bols. Les cigales comprennent que le paysage devient pesant; aussi se mettent-elles avec entrain à frotter en notre honneur la peau de leur ventre du bout de leurs pattes. Le concert n’est pas mal, mais je préfère la guitare.
Ils sont partis à dix heures du soir des Sables; ils arriveront à dix-huit heures trente. Cela fera vingt heures et demie de selle pour cette étape.
– Vous croyez que si nos mères se trouvent à Bayonne pour nous donner la fessée, elles n’auront pas raison ? fait Tiberghien.
Voici Castets, on se réveille. Trois hommes se sauvent. L’un crève, il y aurait de quoi se tirer un coup de revolver dans la tête. Deux courent à la corde… Petit coup de théâtre… Ce sont des "deuxièmes classes".
C’est Omer Huyse qui bat les as. Bien joué !
Eh bien ! tout cela n’est rien. Les deux mille quarante quatre kilomètres parcourus ne sont que le prologue. La fête commencera jeudi, ainsi le veut la chanson de la route : "Fini de se promener, c’est demain les Pyrénées".”
Albert Londres, Le Petit Parisien, 2 juillet 1924.
Omer Huyse remporte la mise avec 1 minute et 11 secondes d’avance sur un petit peloton emmené par le leader de l’épreuve Ottavio Bottecchia. Ce dernier ramènera le maillot jaune, porté depuis la toute première étape au Havre.
Bien concentré sur l’épreuve jusqu’au bout, Omer Huyse finit chacune des étapes dans le top 20, accompagnant les meilleurs pour finir à une neuvième place générale synonyme de victoire dans la “deuxième classe”.
Passé chez Armor, il fait mieux en 1925, terminant septième de la Grande Boucle, puis avec Automoto-Hutchinson, il finit treizième en 1926.
Dans sa carrière, Omer Huyse ne connaît aucune autre victoire et il prend sa retraite sportive en 1930, après un abandon sur la deuxième étape du Tour, décidément une épreuve de forçats…
Le passage du Tour de France 2014 en Wallonie picarde a été le prétexte choisi pour fixer la date d’inauguration du buste en bronze par lequel le sculpteur Osvaldo Parise immortalise le coureur cycliste. Retiré des pelotons, négociant en bière, Huyse est resté un grand amateur de cyclisme et a été le fondateur du club de supporters de Jean-Luc Vandenbroucke.
Située au bout de la place centrale de Luingne, à deux pas de la chaussée, la statue ne peut échapper au regard; elle est quasiment à la même hauteur que les automobilistes qui passent à cet endroit.
Auteur aussi de la "main de Dottignies", le sculpteur Osvaldo Parise est d’origine italienne; son père, Gaetano Parise, un sculpteur turinois réputé, avait traversé l’Atlantique dans les années 1970 pour répondre à une commande du parlement du Venezuela : jusqu’en 1988, année de son décès, il réalisera des bustes et statues de personnalités nationales, mais aussi internationales (Churchill, Roosevelt et un Gandhi exposé dans un musée de New Deli). Né à Turin en 1962, Osvaldo a suivi la famille et est devenu ingénieur électronicien en Amérique du Sud. Après l’élection de Hugo Chavez (1999), il décide de fuir le pays. Marié à une Vénézuélienne et père de deux enfants, il trouve exil à Mouscron; après des petits boulots, il est engagé par l’administration communale qui donne entière liberté aux talents du sculpteur.
À partir de 2005, une ancienne brasserie est transformée en fonderie dont les clés et la gestion sont confiées à Parise. Disposant d’un vaste atelier, l’artiste-fondeur donne libre cours à son inspiration; il acquiert une notoriété certaine par la réalisation de bustes ou de statues grand-format de plusieurs personnalités contemporaines (Jean-Pierre Detremmerie, Albert II, Hugo Broos, Raymond Devos, Jean Jaurès, Nicolas Sarkozy, le prince Rainier, Pierre Mauroy, Daniel Senesael, Alfred Gadenne, etc.); il s’adonne aussi à la peinture, privilégiant les portraits. Régulièrement sollicité par les autorités communales de Mouscron, il est l’auteur de la promenade des ours, de la statue du petit Hurlu (Grand-Place), de celle du Lecteur (place Emm. De Neckere), ainsi que de celle… d’Omer Huyse.
Paul Delforge, historien
9 juin 2024
Photos Paul Delforge © Institut Destrée, Diffusion Sofam
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